La densification des centres-bourgs et villages en Seine-et-Marne

Production d'étudiants de l'EUP

02 octobre 2020École d'urbanisme de Paris

L’évaluation du Schéma directeur de la Région Île-de-France (Sdrif) a permis de poser un premier bilan de sa mise en œuvre, au regard des évolutions de l’aménagement régional depuis 2013. Parmi les enseignements soulevés, L’Institut Paris Region constate, qu’à l’échelle régionale, la Grande couronne peine à atteindre ses objectifs en matière de densification des espaces d’habitat.    
Pour mieux comprendre les raisons de cette situation, L’Institut a mandaté les étudiants en M1 du Master Urbanisme et Aménagement de l’École d'urbanisme de Paris afin de réaliser un diagnostic sur la densification des centres-bourgs et villages en Seine-et-Marne.

Méthodologie

L’étude et l’analyse de sept communes (Beaumont-du-Gâtinais, Bourron-Marlotte, Changis-sur-Marne, Charny, Favières, Mormant, Varreddes) ont été réalisées à travers des entretiens, des observations ainsi que des recherches documentaires, dans l’objectif de déterminer les leviers et obstacles à cette densification.
Dans cette étude, les termes de « densification résidentielle » et de « bourg » ont été définis comme tels : 

  • Densification résidentielle : processus selon lequel la population urbaine augmente au sein des tissus urbanisés d’une commune. L’arrivée de nouvelles populations urbaines peut notamment se faire grâce à des projets de réhabilitations immobilières ou de constructions neuves en dent creuse. La densification est dite effective lorsque le projet est livré et habité.
  • Bourg : commune de 500 à 5 000 habitants, ayant un rôle de centralité avec notamment la présence d’aménités et de services sans pour autant être sous l’influence d’un pôle de centralité.

Avec une superficie de plus de 600 000 hectares, la Seine-et-Marne est le plus vaste département de l’Île-de-France et recouvre plus de la moitié du territoire régional. Mais la population seine-et-marnaise ne représente qu’un cinquième de la population régionale et sa densité résidentielle est très faible. Constitué majoritairement de plaines agricoles et pourvu de plus de 135 000 ha de forêt, le département compte 362 communes classées en « bourgs, villages et hameaux » selon la typologie du Sdrif, sur un total de 507 communes.
Ainsi, la Seine-et-Marne constitue un territoire aux caractéristiques particulières au sein d’une région largement urbanisée. Tenue de respecter les objectifs du Sdrif, comme les autres départements franciliens, la Seine-et-Marne doit répondre aux exigences de lutte contre l’étalement urbain et de densification du tissu urbain. Or, les caractéristiques du département plaident pour des réponses adaptées au contexte local, ce qui peut être synonyme de complexité pour les collectivités locales.

Pourquoi densifier en centre-bourg ?

Les actions en faveur de la densification des tissus urbanisés ont pour ambition de revitaliser les centres-bourgs et de maintenir leur population. Certains centres-bourgs seine-et-marnais sont marqués par le déclin de leur population et une perte de dynamisme économique. S’il est difficile de déterminer lequel des deux facteurs entraîne l’autre, tous deux ont des conséquences importantes pour l’attractivité de ces communes.
Densifier le tissu urbain pour attirer de nouveaux ménages et augmenter la population globale de la commune permet de lutter contre des phénomènes de dévitalisation comme la fermeture de classes, la délocalisation des services ou la disparition des commerces et des aménités du centre-bourg.
Par ailleurs, la densification dans les centres-bourgs et les petites villes de grande couronne apparait comme un moyen de limiter les extensions urbaines et ainsi préserver les sols et les nombreuses fonctionnalités qui y sont associées. L’attractivité constante dont bénéficie la région Île-de-de-France induit une saturation du marché en son centre et une hausse globale des prix de l’immobilier. Les ménages s’éloignent du cœur de la métropole faute de pouvoir s’y loger ou pour pouvoir bénéficier de conditions de vie privilégiées (Charmes Éric, 2019). Les communes rurales de Seine-et-Marne offrent un cadre privilégié à ces ménages à la recherche d’espaces verts et de sentiment de communauté. Certaines municipalités peuvent devenir de véritables pôles de report grâce à leur desserte en transports en commun, et décident de mener des projets de densification pour accueillir ces nouvelles populations. Densifier offre ainsi à des communes la possibilité d’augmenter leur capacité d’accueil sans consommer de nouvelles terres agricoles.
Par ailleurs, la densification est un levier pour diversifier le parc de logements et la population et pour attirer de nouveaux ménages, conserver des commerces ou répondre à une demande immobilière existante. Densifier est aussi une opportunité pour répondre aux besoins de populations plus variées. La densification sous forme d’habitats collectifs permet de renouveler l’offre de logements en proposant des appartements plus petits mais aussi plus accessibles dans des communes où la maison individuelle est majoritaire. L’enjeu est double, il s’agit à la fois d’accueillir des populations aux revenus plus faibles, mais aussi d’attirer une population plus jeune, par exemple décohabitante, et de répondre aux enjeux du vieillissement de la population.

Quels acteurs pour densifier ?

Le portage politique local apparait comme une condition sine qua non à la densification, l’action de la commune étant déterminante dans l’impulsion de projets de densification des tissus urbains existants. Les communes ont notamment un rôle important à jouer dans la maîtrise du foncier. La municipalité peut ainsi développer une politique incitative de densification en modifiant le zonage et les règles de son PLU, afin d'accroître les droits à construire sur des terrains et ainsi, lutter contre la rétention foncière et encourager les acteurs immobiliers à réaliser des projets. Cette intervention par la planification locale peut être doublée par des ventes à tarif préférentiel, contribuant ainsi à réduire les coûts fixes des opérations et à faciliter l’engagement d’acteurs qui ne seraient pas intervenus sur ce territoire.
Le portage politique local peut aussi se traduire de manière volontariste. Auquel cas, la collectivité après s’être rendue propriétaire du foncier, démarchera elle-même les acteurs pour mener le projet de densification.
L’intervention des acteurs privés est essentielle. Les municipalités seules ne peuvent mener à bien les projets de densification et sont dans la nécessité de s’allier avec des acteurs aux compétences complémentaires, les promoteurs par exemple. Ces acteurs peuvent être privés et leur action dépendra alors de la rentabilité du projet ou du moins, de son équilibre économique. Ainsi, une commune excentrée et en perte d’attractivité aura plus de difficultés à attirer ces acteurs qu’une commune dans laquelle la tension du marché est forte et où le succès de l’opération est assuré. Une politique municipale volontariste pourra alors être un atout.
Le recours à des bailleurs sociaux qui ne répondent pas aux mêmes exigences que les acteurs privés peut être une possibilité pour les communes ne parvenant pas à attirer des acteurs privés sur leur territoire. Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement (CAUE) est aussi un acteur à disposition des élus et des maîtrises d’ouvrage. Spécialiste du territoire, de ses spécificités et caractéristiques, il peut jouer un rôle de conseiller dans la recherche de collaborateurs et de montage juridique et financier équilibré.

Quelle forme pour la densification ?

Outre le montage du projet, la traduction architecturale de la densification influence aussi la faisabilité du projet.
Les projets de densification prennent des formes urbaines et architecturales très diverses. Cependant, le style « néo-village » semble prédominant en Seine-et-Marne. Le « néo-village » est un style urbain et architectural qui reprend les codes esthétiques des bourgs comme les toits à deux versants et l’alignement sur rue. Il permet en théorie une insertion du projet dans le tissu existant. Le style néo-village peut être doublé d’une approche patrimoniale, grâce à une reprise des codes esthétiques du bourg (matériaux, formes des portes ou des fenêtres). Ce style classique peut être l’objet de réinterprétations avec l’usage de matériaux innovants comme l’acier ou le chanvre par exemple. 

Que les projets s’inscrivent dans le style néo-village ou dans un style architectural plus innovant, les nouvelles constructions ne répondent que rarement aux attentes des habitants en termes de qualité d’usage (Fonticelli Claire, 2017). Les espaces extérieurs privatifs sont souvent, dans les projets étudiés, peu nombreux (il y a peu de balcons, terrasses, jardins), contredisant les représentions de vie rurale attachées aux bourgs.

Les espaces extérieurs attachés aux résidences sont souvent bétonnés pour accueillir de vastes superficies de parkings, au détriment des aménités et espaces paysagers. En raison du caractère périurbain de ces communes, l’usage de la voiture est indispensable au quotidien, que ce soit pour se rendre au travail ou accéder à certains services. Cependant, les rues des bourgs sont inadaptées au stationnement de plusieurs voitures par ménage. Repenser les formes de stationnement, notamment par le recours à la mutualisation des places, semble nécessaire pour concilier les besoins des habitants avec la qualité de l’espace public.

Pour qu’un projet de densification aboutisse, il est nécessaire que le portage politique local soit fort, signe d’une politique volontariste des élus.

La densification dans les centres-bourgs et les villages répond à des enjeux locaux de revitalisation, de maintien des services existants et de limitation de la consommation d’espace. Or les extensions urbaines restent majoritaires dans ces espaces, bien que les préconisations politiques et règlementaires incitent à densifier en dent creuse. Si les extensions permettent dans certains cas de densifier les territoires (exemple de la construction d’un petit collectif dense en continuité du tissu urbain), elles concourent néanmoins fortement à l’artificialisation des sols. Par ailleurs, la densification seine-et-marnaise peine à concilier une production bâtie respectant le cadre existant et pouvant répondre aux attentes d’espaces de nature des habitants.

Les formes prises par la densification en Seine-et-Marne invitent à repenser l'échelle de l’intervention au-delà de la simple opération immobilière. Une des faiblesses des opérations actuelles réside dans le traitement des espaces extérieurs et dans l’ouverture de l’opération sur l’espace public. Un traitement coordonné du bâti et des espaces extérieurs dans le cadre d’une opération d’aménagement serait plus judicieux.

La concurrence entre les bourgs dans l’offre d’aménités tend à être renforcée suite au processus de densification. Ceci pourrait avoir un effet néfaste pour la vie économique de bourgs moins attractifs.

De manière générale, il est nécessaire de repenser le système d'accompagnement des collectivités dont l’ingénierie en matière d’urbanisme n’est pas toujours suffisante pour mener à bien les opérations de densification en centres-bourgs et villages.

Conclusion : des intérêts écologiques en synergie avec les enjeux sociaux

La préservation des sols et de toutes les dynamiques de biodiversité correspond à l'ensemble des enjeux environnementaux présents dans l'objectif ZAN. Ces derniers doivent cependant être couplés aux enjeux sociaux, présents lorsque l'on aborde la mise en œuvre concrète du ZAN. Cette complémentarité s'est manifestée dans le discours de plusieurs enquêtés : la biodiversité et les sols doivent être protégés, mais cela doit s’accompagner de mesures de luttes contre les inégalités sociales.    

À l’issue de cette enquête auprès d’une palette d’acteurs franciliens, la voie d'accès au ZAN semble reposer sur deux volets : une réduction drastique du rythme d'artificialisation associée à un renforcement significatif du volet compensation-désartificialisation-renaturation, pour encadrer des mesures compensatoires vertueuses. Ces deux objectifs complémentaires demandent cependant des moyens à la hauteur de leur mise en œuvre. Même si aucune réponse évidente n'a été apportée au cours de ces entretiens, la sonnette d'alarme tirée par les scientifiques ne peut plus être négligée : il devient urgent de repenser nos manières de faire. Le ZAN doit donc être perçu comme une opportunité, celle de repenser et réorienter les moyens politiques, économiques et humains alloués pour concevoir l’aménagement de nos territoires, en y intégrant plus efficacement les enjeux environnementaux et sociaux.

 

Étudiants : Mathilde Bigot, Hamza Bounahla, Maxime Carpentier, Romain Casanova, Maria Daniel, Margot Deliège, Louison Durant, Armita Feizyzadeh, Adama Ndaw, Clément François, Sarah Tommasini
Encadrants EUP : Stanley Geneste, Rachel Mullon
Commanditaire : L’Institut Paris Region
Coordination atelier : Thomas Cormier, Lucile Mettetal et Amélie Rousseau

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