Tout d’abord, l’Île-de-France est la région la plus féconde de France métropolitaine avec 1,98 enfant par femme en 2016. La région regroupe toutefois deux extrêmes avec d’un côté Paris, un des plus bas niveaux départementaux de fécondité (1,57 enfant par femme) et de l’autre, la Seine-Saint-Denis, département le plus fécond de France métropolitaine (2,40 enfants par femme). La hausse des naissances depuis le milieu des années 1990 a donc contribué à l’augmentation du nombre des familles en Île-de-France.
Une autre particularité réside dans le modèle familial du couple avec enfant(s) qui reste dominant en Île-de-France. Toutefois, son poids ne cesse de décroître et l’augmentation du nombre de familles sur la période récente tient uniquement à la forte progression du nombre de familles monoparentales. Dans le même temps, les familles très nombreuses (cinq enfants ou plus) tendent à se raréfier. La progression du nombre de ménages composés de plusieurs personnes sans lien familial représente une autre spécificité francilienne. Les pressions du marché immobilier contraignent plus souvent à la colocation ou à d’autres formes de cohabitation: des familles hébergeant une ou plusieurs personnes, des chambres sous-louées chez un propriétaire, des grands-parents et des oncles/tantes qui hébergent un jeune de la famille, des frères et sœurs vivant ensemble…
Ces évolutions démographiques qui impactent les besoins de logements en Île-de-France
Entretien avec Sandrine Beaufils, démographe à L'Institut Paris Region
Entretien avec Sandrine Beaufils, démographe
Sandrine Beaufils est chargée d’études à L'Institut Paris Region au département « Habitat et société ». Ses récents travaux portent sur l’évolution démographique en Île-de-France : suivi de la fécondité francilienne, de la décohabitation des jeunes, des familles, ou de la mobilité résidentielle. Elle a également contribué à la rédaction de l'Atlas des franciliens.
Pourquoi les besoins en matière de logement évoluent-ils en Île-de-France ?
Principalement parce que les modes de cohabitation évoluent. La formation plus tardive des couples, les séparations plus fréquentes ou encore le vieillissement de la population ont entraîné une baisse de la taille moyenne des ménages. Associée à l’accroissement de la population (plus de 12 millions de Franciliens en 2015, soit +0,6 % de croissance par an), cette diminution de la taille des ménages entraîne une augmentation de la demande de logements. Comme la construction de logements a été très basse en Île-de-France, notamment de 2006 à 2013, les ménages ont connu de plus en plus de difficultés à dérouler leur parcours résidentiel et à trouver des logements abordables.
Autre point, la structure du parc de logements et sa répartition géographique entrainent des mouvements migratoires. À Paris et en proche couronne prédominent les petits logements locatifs, alors qu’en grande couronne, ce sont plutôt de grands logements en accession à la propriété. En fonction de leur avancée dans le cycle de vie, les jeunes ménages, les décohabitants (et/ou en début de vie active) privilégient les studios et les deux-pièces du cœur de l’agglomération tandis que les familles avec enfants, en quête d’espace, s’orientent davantage vers les grands logements de grande couronne. Ces spécificités géographiques posent problème en matière d’adéquation entre l’offre et la demande. Dans les espaces périurbains où l’offre est encore majoritairement composée de maisons individuelles, les personnes seules peinent à trouver un logement à leur mesure.
Quelles sont aujourd’hui les particularités de la famille francilienne ?
Il y a aussi les jeunes Franciliens qui quittent de plus en plus tardivement le domicile de leurs parents. Ils sont les premiers concernés par les problèmes de logement. Ce phénomène s’accroît surtout dans le centre de l’agglomération parisienne. L’âge médian de décohabitation progresse, et c’est à Paris et en Seine-Saint-Denis que ce recul de l'âge de départ est le plus marqué. Il est d’autant plus tardif chez les jeunes Franciliens qui résident dans le parc social ou qui sont au chômage.
Autre fait marquant, la forte progression du nombre de familles monoparentales est une évolution marquante du modèle familial francilien. Elles représentent 27 % des familles en 2014 et sont présentes dans toutes les strates de la société. La part des mères isolées au sein des familles monoparentales est majoritaire (85 %). Ces familles cherchent à vivre au cœur de la région, là où l’offre de services en matière de transports publics et d’équipements d’accueil de la petite enfance est la plus présente. On notera que ces familles ont plus de difficultés financières et sont plus nombreuses à travailler à temps plein « pour joindre les deux bouts ». Leur situation sociale peut les fragiliser : les femmes seules avec des enfants en bas âge (moins de trois ans) ont plus de risque d’être dans une situation de précarité socio-économique. De fait, elles vivent plus souvent dans des logements suroccupés.
Quelle est la situation sociale des personnes âgées et sa résonance en matière de logement ?
La situation globale des ménages retraités s’est fortement améliorée depuis 40 ans, et les seniors franciliens font partie des Français les plus aisés. Pour autant, ce constat ne doit pas masquer les inégalités de revenu et, surtout, de patrimoine. Le logement et le lieu de résidence sont les deux principales caisses de résonance de ces inégalités. Les seniors franciliens locataires du parc social ont un revenu moyen deux fois plus faible que celui des propriétaires et, avec le temps, cet écart s’est creusé. La structure du parc de logements ainsi que le niveau des prix immobiliers et des loyers façonnent le profil social des résidents. En grande couronne, les seniors apparaissent plus aisés, notamment les générations ayant porté le mouvement d’accession à la propriété dans le périurbain. Mais dans les territoires les plus pauvres de l’agglomération parisienne, les ménages arrivant à la retraite sont moins aisés que leurs aînés.
Et demain, comment va évoluer la démographie francilienne ?
L’avancée en âge des générations du baby-boom va se traduire par un poids croissant de personnes de plus en plus âgées dans la population francilienne. Dans 25 ans, près d’un Francilien sur cinq aura plus de 65 ans. La part des Franciliens de 85 ans pourrait doubler, passant de 2 % en 2013 à 4 % en 2040, en dépit du fait que les seniors sont plus nombreux à quitter l’Île-de-France qu’à s’y installer. La région Île-de-France reste la région où l’on vit le plus longtemps. Comme en France métropolitaine, l’espérance de vie des Franciliens à la naissance continue de progresser aussi bien pour les femmes (85,8 ans en 2016) que pour les hommes (80,9 ans). C’est à Paris et dans les Hauts-de-Seine que les espérances de vie sont les plus élevées. Le vieillissement de la population des baby-boomeurs les pousse à appréhender différemment la fin de leur parcours résidentiel : par exemple en privilégiant leur maintien à domicile via des aménagements spécifiques ou en imaginant des alternatives à la maison de retraite comme l’habitat groupé ou l’habitat intergénérationnel.
Propos recueillis par Lucille Mettetal et Olivier Mandon.
1. Propos issus de l’étude Vieillissement et inégalités, les disparités traversent les âges, L'Institut Paris Region, février 2018.
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