Les granny flats au Royaume-Uni

Habiter autrement n° 9

20 décembre 2018ContactLucile Mettetal, Olivier Mandon, Lisa Laurence

Les « granny flats » ou « granny annexes » (aussi appelées « secondary suites » en Amérique du Nord) sont des petits logements indépendants que l’on peut construiresur sa propriété afin d’héberger une personne de sa famille. Pour les personnes âgées, c’est une manière de conserver leur autonomie tout en se rapprochant de leurs proches. Au Royaume-Uni, une politique fiscale avantageuse a été mise en place afin de favoriser ce mode de cohabitation.

L’histoire et le contexte

Depuis les années quatre-vingt-dix, les pays anglo-saxons, notamment au Canada, ont développé des politiques publiques favorables au développement des granny flats. En 2014, au Royaume-Uni, une réduction de 50 % de la taxe d’habitation est accordée si les personnes hébergées sur la propriété sont de la même famille. Cette décision du gouvernement eut pour conséquence une augmentation du nombre de granny annexes d’environ 40 % en deux ans, passant de 24 200 en 2013 à 33 500 en 2015. Elles sont majoritairement situées dans le sud de l’Angleterre, là où les prix de l’immobilier sont les plus élevés. En 2016, une nouvelle loi de finances instaurait une augmentation de la fiscalité pour les logements supplémentaires ; la presse titrait alors la fin des granny annexes. Mais le gouvernement décide d’affiner ce nouveau régime fiscal permettant d’échapper à cette surtaxe lors de l’achat d’une propriété qui comprend deux logements, sous certaines conditions : l’habitation la plus chère doit représenter au moins les deux tiers de la valeur globale, et l’acquéreur devra occuper l’habitation principale, à savoir la plus chère. Néanmoins, la complexité de ce nouveau régime marque un coup d’arrêt au développement de ce type de logement.

Les acteurs

La construction d’une granny flat se fait toujours à l’initiative du propriétaire de la maison et des proches qu’il désire accueillir. Il peut la construire lui-même ou faire appel à une société privée spécialisée dans la construction de ce type d’habitat. Un autre acteur important est le « département d’aménagement local ». Il est nécessaire qu’il délivre un permis de construire, puisque le futur bâtiment sera considéré comme « résidentiel » (et non auxiliaire). L’État participe également par la réduction de la taxe d’habitation. Des entreprises comme Granny Annexe ou The Green Room proposent l’installation et l’aménagement de ces habitations en mettant l’accent sur la variété des besoins auxquels ce type de construction peut répondre, de l’accueil des grands-parents à l’autonomie des adolescents en passant par la chambre d’amis. Des sociétés qui vantent également la rapidité d’installation de ces petites maisons, leur coût abordable mais aussi le retour sur investissement, considérant qu’elles apportent une plus-value au bien dans son ensemble.

Les habitants

Les ménages pouvant construire une granny annexe doivent être propriétaires et disposer d’un jardin. Ils hébergent souvent des personnes seules, mais aussi des couples. Chaque habitation est unique, surtout lorsqu’il s’agit d’un bâtiment construit par l’habitant lui-même et non d’un modèle standardisé et dispose de différents aménagements qui peuvent nécessiter l’intervention de sociétés spécialisées en domotique. Le coût d’une granny annexe est donc variable mais il se situe rarement en dessous de 50 000 livres sterling (environ 55 500 €) lorsqu’il s’agit d’une construction indépendante et rarement en dessous de 20 000 livres sterling (22 000 €) pour un logement au sein de l’habitation principale.

Les lieux

Il existe plusieurs sortes de granny flats. Elles peuvent se situer au rez-de-chaussée d’un logement indépendant ou lui être accolées. On peut également en trouver au-dessus d’un garage au deuxième étage d’une maison ou sur la parcelle d’une habitation existante. Leur taille est variable, mais ce sont en général de petits logements. La granny annexe ne doit pas se situer trop loin du logement principal. Elle doit cependant être totalement indépendante et disposer d’une salle de bains, d’une cuisine, d’une chambre et d’une salle à manger (elle n’a en général qu’une seule chambre, sinon elle est considérée comme un bungalow). Il existe toutes sortes d’architecture et de matériaux. Il est cependant préférable qu’elle soit de plain-pied. En lien avec la perte de mobilité et afin de favoriser le maintien à domicile, la société Granny Annexe propose un catalogue d’accessoires domotiques (rampe de douche, baignoire ouvrante, etc.).

L’organisation

La construction d’une granny flat nécessite de discuter avec ses proches la formule qui leur convient le mieux. Les personnes âgées, tout comme ceux qui les hébergent, peuvent être à l’initiative du projet. Des démarches auprès des administrations locales doivent être effectuées pour obtenir un permis de construire. Certaines sociétés proposent de gérer l’intégralité du projet y compris les étapes administratives. Enfin, il faut remplir une demande d’exonération pour bénéficier d’une réduction de la taxe d’habitation.

La vie quotidienne

Héberger une personne de sa famille permet de veiller à ce qu’elle se sente en sécurité, notamment si elle est fragilisée, tout en lui offrant la possibilité de conserver une certaine indépendance. Cela peut être le cas d’un parent vieillissant, d’une personne handicapée, ou d’un jeune ayant du mal à trouver un logement abordable.

Les « moins »

Bien sûr, seules les personnes étant propriétaires, disposant d’un foncier important et ayant les capacités financières pour investir au minimum 20 000 livres sterling peuvent se permettre de construire une granny flat. L’indépendance de chacun est relative et la proximité des habitations peut évidemment devenir pesante et nuire à l’intimité de chacun. Par ailleurs, quelques précautions semblent nécessaires : l’implantation d’une construction en fond de parcelle nécessite une réflexion sur la manière de concilier qualité architecturale et qualité d’usage dans un contexte de proximité de voisinage.

Les « plus »

Les granny annexes ont l’énorme avantage de permettre aux familles de rester ensemble. S’occuper d’un parent vieillissant ou permettre à son enfant de décohabiter devient ainsi moins coûteux. Ce logement peut être modulable et il est toujours possible de le louer (bien qu’il faille dès lors payer la taxe d’habitation à taux plein) s’il n’est pas habité par un proche. Plus globalement, il s’agit aussi de réduire la tension sur le marché immobilier anglais, très forte aux alentours du Grand Londres, avec la mise en location de logements abordables.

Les conditions de réussite

La politique fiscale anglaise fut bien sûr essentielle et l’essor des granny annexes en dépend. Elle a permis de réduire les coûts pour les familles qui hébergent leurs proches. En France, le concept  est standardisé par la start-up Senior Cottage, sous la forme d’un bungalow ou d’un chalet médicalisé, modulable selon la perte d’autonomie. Mais en l’absence d’avantages fiscaux et compte tenu des règles d’urbanisme (qui nécessitent souvent de diviser donc de prévoir un accès), l’idée peine à faire son chemin.

Propos de David et Jen, un couple de personnes âgées vivant dans le jardin de leurs enfants  

Nous avions besoin d’un lieu où passer notre retraite et franchement, nous ne pouvions pas nous offrir une autre propriété. Ici, nous avons trouvé l’endroit parfait, la famille désirait nous savoir proches d’elle.

Propos de Marc Saillon, société Senior Cottage

Le principal moteur pour le choix de Senior Cottage c’est le rapprochement familial et le rejet de l’institution d’hébergement spécialisée, ensuite nous sommes en mesure de travailler avec des prestataires de services qui vont venir enrichir l’offre.  
Nous sommes agrégateurs de solutions, nous avons conçu le cottage sur la base d’un cahier des charges puis nous l’avons fait dessiner par des architectes. Les équipements de domotique ou de gérontechnologie existent sur le marché et nous les avons intégrés au cottage. Pour l’offre de services, nous avons des accords avec des sociétés de maintien à domicile, locales ou nationales. Chacun choisit le degré de sous-traitance qu’il souhaite et l’offre se construit selon chaque situation.
Les personnes intéressées par l’installation d’une petite maison adaptée pour une personne âgée de la famille, sont souvent dans l’urgence. On leur propose une solution qui est rapide en matière de travaux (une semaine) mais les délais administratifs sont souvent trop longs puisque les cottages nécessitent l’obtention d’un permis de construire (plusieurs mois). On propose des chalets de 17 m² qui permettent d’échapper au permis mais la terrasse compte dans l’emprise au sol… Cependant, les demandes vont plutôt vers des cottages de 30 m², ce qui permet un logement de deux pièces et donne le sentiment d’une réelle habitation.

 

 

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