Paris expérimente la coopérative d’habitants

Habiter autrement n° 6

29 novembre 2018ContactLucile Mettetal, Olivier Mandon

 

UTOP est la première coopérative d’habitants issue de la loi ALUR, créée en 2016 dans le cadre de l’appel à projet « habitat participatif » de la ville de Paris. Les futurs habitants- coopérateurs ont conçu, en partenariat avec la coopérative HLM CoopImmo et la coopérative d’architecture ArchiEthic le projet d’un immeuble écologique et ouvert rue Garnier-Guy dans le 20e arrondissement. 

L’histoire et le contexte

En 2014, la ville de Paris lance un appel à projets « habitat participatif », dans lequel elle propose de réserver trois terrains et de financer une partie des frais de maîtrise d’œuvre et d’assistance à maîtrise d’ouvrage nécessaires à la construction des projets d’habitat participatif. Un groupe de personnes décident alors de participer à ce concours, et si elles gagnent, de prendre la forme d’une coopérative d’habitants. Un partenariat est obtenu avec la coopérative HLM CoopImmo pour la conception et une partie de la maîtrise d’ouvrage. Celle-ci leur propose de contacter la coopérative d’architecture ArchiEthic (voir l’interview de Thomas Huguen dans notre article précédent), pour réaliser le travail de maîtrise d’usage et concevoir l’immeuble avec le groupe d’habitants, en lien avec les modes de vie qu’ils envisagent. Devant un jury sensible à leur projet de vie, UTOP est sélectionné parmi une quinzaine de groupes candidats (300 personnes) et devient lauréat de l’appel à projets en 2015. Mardi 16 octobre 2018, la promesse de vente du terrain a été signée entre la mairie de Paris et CoopImmo.

Les acteurs

La ville de Paris a lancé un appel à projets sur trois parcelles qu’elle souhaitait réserver à des opérations d’habitat participatif. L’association UTOP a créé une coopérative d’habitants s’inscrivant dans les statuts de la loi  ALUR et organisée en SAS Coopérative regroupant quatorze ménages, le bailleur social Habitat et Humanisme et CoopImmo. La coopérative a vocation à rester dans le cadre d’une propriété collective sans attribution des appartements en toute propriété. La cession du terrain par la ville se fait à la coopérative HLM CoopImmo qui joue le rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage puis de maîtrise d’ouvrage déléguée auprès du groupe d’habitants. La coopérative d’architecture ArchiEthic est architecte et assistant à maîtrise d’usage. Habitat et Humanisme porte les trois logements PLAI, dont 1 en colocation intergénérationnelle.

Les habitants

La propriété est collective, c’est-à-dire que chaque coopérateur n’est pas propriétaire d’un bien immobilier mais de parts sociales. En contrepartie il bénéficie de la jouissance d’un logement qui doit constituer sa résidence principale. Le remboursement de l’emprunt collectif est réalisable grâce à une redevance versée par les coopérateurs. Le montant de cette redevance ainsi que sa périodicité sont prévus dans un contrat coopératif. À son départ, le coopérateur pourra récupérer ses apports initiaux actualisés au coût de la vie (et donc indépendant de la valeur du marché). Les membres du groupe UTOP ont évolué avec le temps. En 2016, il était composé de 22 adultes et de 8 enfants, de professions et d’âges variés, et ayant comme point commun d’être éligibles au logement social (ressources PLAI, PLUS et PLS selon les ménages).

Les lieux

Le bâtiment sera situé dans le 20e arrondissement de Paris. Il s’agit d’une construction utilisant les énergies renouvelables, de 17 logements modulables : 4T1bis, 5T2, 6T3, 1T4, 1T5. La surface totale s’élève à 1 151 m2 SP. Les espaces intermédiaires, comme les paliers et les cages d’escalier, seront conçus comme de vrais lieux de vie : grandes fenêtres, rangements pour les manteaux et les chaussures. Plusieurs espaces communs sont également prévus, comme un studio d’enregistrement et de répétition ouvert sur le quartier, un bar associatif et les bureaux d’une association.

L’organisation et la vie quotidienne

Les coopérateurs ont un droit de jouissance puisqu’ils sont détenteurs de parts sociales. Le droit d’entrée dans la coopérative s’élève à 2 250 euros, un montant qui permet de trouver rapidement un successeur si un coopérateur décide de quitter les lieux. Des mesures anti spéculatives plafonnent la réévaluation des parts de la coopérative, qui ne suit pas les prix du marché immobilier. Les valeurs fondamentales sont la propriété collective, la sortie du système spéculatif et la démocratie. La coopérative est gérée par un bureau tiré au sort et qui se réunit toutes les semaines. Le fonctionnement repose sur la responsabilisation des habitants. Un investissement important de leur part est donc attendu, ce qui peut entraîner des désistements. La co-conception des lieux est destinée à privilégier la qualité d’usage. D'une manière générale, la mutualisation offre la possibilité de nouveaux services collectifs et d’une meilleure organisation de l'espace.

Les conditions de réussite

L’investissement, voire la ténacité des différents acteurs, est un élément clé. La cohésion et la bonne entente au sein des futurs habitants sont également essentielles. UTOP répond à un véritable enjeu : donner l’accès au logement dans Paris intramuros à une population éligible au logement social. Cela a été un élément particulièrement déterminant dans le choix des lauréats. Les projets des groupes devaient favoriser l’innovation sociale, économique et écologique avec une haute performance énergétique, tout en comportant des espaces de vie collectifs et en garantissant une mixité sociale des habitants. L’ouverture sur le quartier et la participation à de nombreuses activités peuuvent aussi être un véritable bénéfice pour les habitants comme pour leurs voisins.

 

Propos de Yannick Martin, chargée de mission habitat innovant à la Ville de Paris

UTOP, un des projets retenus, est une coopérative locative de type loi Alur qui s’est associée avec une coopérative HLM (CoopImmo). La coopérative HLM achète le terrain et loue le foncier aux coopérateurs sous la forme d’un bail à construction, ce qui va lui permettre de rembourser l’emprunt obtenu auprès de la CDC au titre du foncier. Pour la construction du bâti, les coopérateurs sollicitent auprès de la CDC un prêt PLS investisseur (désormais garanti par la Ville). Ils seront propriétaires du bâti le temps du bail (60 ans), à l’issu duquel CoopImmo, déjà propriétaire du foncier, devient également propriétaire du bâti. Les coopérateurs renoncent donc à la propriété individuelle de leur lot et acceptent tout au long du bail de 60 ans consenti à CoopImmo un simple droit de jouissance de leur logement via la détention de parts sociales, ainsi que l’administration collective de l’immeuble et des annexes. 

Pour en savoir plus

Cette page est reliée aux catégories suivantes :
Chronique & dossier | Habitat et logement