Le patrimoine, au cœur de l'action internationale de l'Île-de-France

12 septembre 2022

La Région Île-de-France soutient, au travers de sa coopération décentralisée, les efforts déployés par ses partenaires pour faire reconnaître la valeur de leur patrimoine urbain et le réhabiliter. C’est le cas à Hanoï, au Vietnam, et à Antananarivo, à Madagascar. Les projets mis en oeuvre apportent de nombreux bénéfices sociaux, économiques et environnementaux.

Dans les accords de coopération de la Région1, le patrimoine est souvent associé à la promotion de la culture locale et au renforcement de l’attractivité touristique. Les partenaires de coopération étant fréquemment des villes ou des régions-capitales, les enjeux de patrimoine matériel, notamment et la protection des quartiers et monuments historiques, devancent les aspects de patrimoine immatériel.

Le patrimoine, une coopération fertile grâce à l'expertise francilienne

La Région a ses propres compétences en matière de patrimoine2, mais, au-delà, l’enjeu est de mobiliser toute l’expertise disponible sur le territoire pour la mettre à disposition des partenaires étrangers. Dans cet objectif, elle peut s’appuyer sur L’Institut Paris Region pour élaborer des documents de planification et de réglementation du patrimoine, fortement demandés, mais aussi pour répondre aux besoins de formation et d’outils de gestion informatiques (Système d’Information Géographique, gestion de bases de données…), grâce à son positionnement en appui des collectivités franciliennes. La Région peut aussi mobiliser un écosystème plus ample, en développant, par exemple, des partenariats avec des établissements d’enseignement et de recherche, comme les écoles nationales supérieures d’architecture, ou en faisant appel à des bureaux d’études et des cabinets d’architectes spécialisés dans les questions du patrimoine à l’international. La France jouit d’une grande renommée dans ce domaine, et nos partenaires étrangers y sont généralement très sensibles.
Les collectivités locales tissent entre elles des liens de proximité et de confiance, que les dirigeants et élus français entretiennent, souvent dans la durée, avec leurs homologues étrangers. Pour ces derniers, le patrimoine de leur territoire est un élément essentiel de leur identité, dont ils ont une vision propre de la protection et de la mise en valeur, qu’ils peuvent partager.
Ce solide portage politique des projets patrimoniaux favorise l’appui des spécialistes, mobilisés par la Région, dans un domaine où les intérêts contraires, locaux et nationaux, publics et privés, sont multiples. L’intervention dans un quartier historique majeur ou sur un monument de renommée internationale permet, également, de donner de la visibilité à un accord de coopération, symbole de solidarité entre les populations.

Hanoï, Antananarivo, terrains d'intervention privilégiés

La croissance urbaine rapide et mal maîtrisée des villes du Sud conduit souvent nos partenaires à solliciter, en priorité, une aide à la protection d’un patrimoine qu’ils estiment menacé. C’est ainsi que la Région est intervenue au milieu des années 2000 à Hanoï, pour aider la municipalité à protéger l’ancien « quartier français » de la pression immobilière, conséquence de l’essor économique du Vietnam et de son ouverture à l’international3. La protection du centre ancien s’est heurtée à la volonté d’en faire le lieu de la modernité et de la prospérité de la capitale, à l’intérieur et au-delà du pays. Les partenaires sollicitent aussi de l’aide pour valoriser leur patrimoine, facteur de rayonnement à l’international. Toujours pour Hanoï, le comité régional du tourisme d’Île-de-France et le bureau d’études spécialisé RC Heritage ont élaboré le plan de gestion de la Citadelle, dans le cadre de son inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO, en 2010. L’entrée par l’attractivité touristique peut aussi conduire à élaborer des projets à visée économique : à Antananarivo, l’objectif était de mettre en valeur le patrimoine pour augmenter la durée des séjours des touristes étrangers, attirés en priorité par les sites naturels du pays.
L’intervention patrimoniale peut aussi exprimer la solidarité de la Région, suite, par exemple, à une catastrophe ayant détruit ou dégradé des quartiers et des monuments historiques. L’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, en est l’exemple tristement parfait, avec la reconstruction des bâtiments endommagés, nécessaire pour des raisons sociales et économiques, mais aussi pour confirmer les liens humains et culturels reliant la Région Île-de-France et Beyrouth. Cette intervention est essentielle, même si les modalités qu’elle peut adopter sont parfois délicates, quand les canaux politiques et institutionnels classiques de la coopération décentralisée sont difficilement utilisables, en raison, entre autres, d’une profonde crise politique.

l'intervention patrimoniale peut aussi exprimer la solidarité de la région

Atouts et limites de la coopération décentralisée

Les accords de coopération de la Région s’inscrivent dans la durée. La plupart ont été signés dans les années 1990 et 2000, et sont toujours très actifs. Ils ont été régulièrement adaptés aux évolutions économiques, sociales et environnementales de nos partenaires, et ont permis de les accompagner sur une longue période. C’est un avantage considérable, qui permet de concevoir une stratégie de long terme, avec des projets successifs. À Antananarivo, les premières actions régionales ont visé, au début des années 2000, à structurer la filière des métiers du tourisme et de l’artisanat local ; les secondes ont permis de réaliser d’importants travaux de restauration de bâtiments historiques dans la Haute Ville afin d’augmenter l’offre de sites patrimoniaux aux touristes. Puis, grâce aux acquis des précédents projets, la démarche s’est voulue plus ambitieuse, avec le souhait de faire de l’ensemble un site protégé et reconnu internationalement par le label de l’UNESCO. Cette démarche progressive, particulièrement adaptée aux enjeux patrimoniaux, n’a été possible que par la présence continue de la Région auprès de son partenaire sur cette période.
Le second atout de cette coopération tient dans la variété des outils à disposition pour agir. Outre les aspects déjà cités de planification et de règlementation des quartiers anciens, de restauration et de mise en valeur des sites, les compétences régionales en matière d’inventaire permettent de réaliser des expositions ou des publications spécialisées, comme celle consacrée aux villas et monuments de l’ancien « quartier français » de Hanoï4. La Région peut également intervenir auprès des habitants, en soutenant les associations locales investies dans la protection du patrimoine immatériel (métiers traditionnels et artisanat, activités culturelles, etc.).
Les limites rencontrées dans l’accomplissement des projets sont essentiellement de deux ordres, politique d’une part, et financier d’autre part. Le premier tient au fait que les enjeux du patrimoine dans des villes ou les régions-capitales dépassent souvent les compétences et les intérêts de la collectivité partenaire, pour relever des politiques nationales. Ainsi, le projet visant à inscrire la Haute Ville d’Antananarivo sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO a dû être revu, suite à la volonté de l’État d’y construire un téléphérique. Le second, à la fois matériel et financier, concerne les moyens que peut mobiliser une collectivité locale, lesquels sont nécessairement moindres que ceux des États ou des bailleurs de fonds internationaux. L’objectif recherché par la Région est donc d’enclencher une dynamique, d’abord locale, pouvant être ensuite reprise et développée par d’autres acteurs, y compris des mécènes privés à but culturel et artistique.

Préservation du patrimoine et protection de l'environnement, des objectifs souvent corrélés

Les projets portant sur le patrimoine urbain peuvent avoir des effets bénéfiques bien au-delà de la seule dimension culturelle et artistique. La rénovation des espaces publics dans les quartiers anciens permet de favoriser les déplacements doux et de lutter contre la pollution atmosphérique, comme cela a été réalisé à Hanoï, dans un projet récent de l’agence DE-SO Asia, associant qualité des espaces urbains et protection de l’environnement. À Antananarivo, l’intervention sur la Haute Ville comporte elle aussi un important volet de « réduction des risques géo-morphologiques », afin de rendre la cité plus résiliente face à la prévisible augmentation des inondations et des glissements de terrain liés au dérèglement climatique. L’appréhension du patrimoine dans toutes ses dimensions, et notamment environnementales, sera un défi majeur pour toutes les coopérations à venir de la Région.

Laurent Pandolfi, chef du service coopération internationale, Région Île-de-France

1. La Région mène, depuis les années 1990, des actions de coopération internationale auprès de collectivités étrangères partenaires, essentiellement des régions et des villes-capitales, en Afrique (Casablanca, Tunis, Alger, Rufisque-Dakar, Abidjan, région de Kayes au Mali, Antananarivo), en Asie (Hanoi, Pékin, provinces du Zhejiang en Chine et de Gyeonggi en Corée du Sud), au Moyen-Orient et Caucase (Beyrouth, Erevan), et en Amérique (Québec). Cette coopération décentralisée vise à développer les échanges « entre pairs », à travers la co-construction de projets concrets, permettant partages d’expériences et transferts de compétences.
Malgré l’évolution des domaines d’intervention, les enjeux de développement urbain (planification urbaine, transports publics, gestion des services urbains, qualité de l’air) et de politiques sociales (éducation, lutte contre la pauvreté, santé, insertion professionnelle…) dominent dans les accords de coopération et les programmes pluriannuels mis en œuvre.
2. Les Régions françaises ont acquis des compétence en matière d’étude de protection et de valorisation du patrimoine en 2004, par le transfert de la mission de l’inventaire général du patrimoine culturel. Des professionnels du patrimoine (chercheurs, photographes, dessinateurs, administrateurs de bases de données, chargés de valorisation…) y exercent des activités souvent recherchées par nos partenaires de coopération du Sud, dans le cadre de leur réflexion sur leur patrimoine.
3. Voir l’article « Le centre colonial de Hanoï, une “ ville-jardin ” en voie de disparition ? », Ch. Larousse, p. 178 du présent ouvrage.
4. Malherbe V., Hermelin C., Asseline St. (photographies), Hanoï, rêves d’Occident en Extrême-Orient, Somogy Éditions d’art, octobre 2010, 56 p.

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