Emplois et transition écologique

Tome 3. Spécificités et potentiels en Île-de-France

14 octobre 2016ContactCristina Lopez, Carine Camors, Pascale Leroi

Mettre l'économie francilienne sur la trajectoire d'une économie plus verte dans ses processus de conception, de fabrication et de distribution

La région Île-de-France a toutes les caractéristiques d’une région globale. Elle est le moteur de l’économie française, un centre d’innovation de rang mondial, un pôle d’attraction pour les entreprises et les talents, un lieu de décision et reste une concentration industrielle. Elle est aussi une région peuplée, très consommatrice de ressources, qui contribue à la pollution de l’air, aux émissions de carbone et aux atteintes à la biodiversité. Relever les défis de la transition écologique suppose de mettre l’économie francilienne sur une trajectoire de développement soutenable, vers une économie plus verte dans ses processus de conception, de fabrication et de distribution. Cette dynamique implique d’associer efficacité économique, optimisation des ressources employées et diminution des rejets générés. Dans une région marquée aussi par le chômage et les inégalités, cette trajectoire de développement doit également, pour être légitime et réalisable, être porteuse d’amélioration pour l’emploi des Franciliens. En Île-de-France, les perspectives de développement de l’économie verte et des emplois associés sont encourageantes. À moyen terme (5 à 10 ans), la dynamique de transformation est portée, à la fois, par les normes environnementales et les importants investissements publics consentis dans le cadre de projets tels que celui du Grand Paris ou du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Au total, à l’horizon 2020, ce sont entre 95 000 et 153 000 emplois (ETP) supplémentaires qui pourraient être créés pour couvrir les besoins du Grand Paris et du SRCAE. Le secteur de la construction est le domaine d’activité qui devrait le plus bénéficier de ces investissements. Mais la grande majorité de ces emplois sont de durée limitée, et directement liés au calendrier d’investissement public dans la construction ou la rénovation des infrastructures. L’ampleur de la création d’emplois dépendra ensuite, à moyen et long terme, de la compétitivité des filières industrielles de l’économie verte et du positionnement de la région dans la chaîne de valeur de ces filières. L’Île-de-France a des atouts significatifs en matière d’innovation. Elle concentre la moitié de la filière éco-technologique française. Ses capacités de recherche sont notamment importantes pour l’eau, les déchets, les énergies renouvelables mais aussi sur des socles transversaux indispensables aux innovations dans ce domaine : biologie, physique, chimie, mathématique, mécanique... Concernant le développement des autres maillons de la chaîne de valeur (production, distribution, ingénierie, conseil), les réalités sont plus contrastées. Si la région dispose d’un tissu diversifié et d’une large palette de spécialisation, les marges de développement peuvent varier considérablement, selon la nature de l’activité, le stade de maturation de la filière.

Sur l’ensemble des filières de l’économie verte, une attention particulière doit être portée par les pouvoirs publics aux PME et TPE et à leurs salariés

Dans les éco activités, l’Île-de-France peut compter sur des entreprises dans tous les segments d’activités. Elles concentrent 70 % des emplois verts et verdissants. Dans la gestion des déchets, l’assainissement, les acteurs ont pris une place croissante dans l’économie francilienne et dépassent largement leur fonction classique de service urbain. Les entreprises exportent leur savoir-faire, pour nombre d’entre elles. Dans les énergies renouvelables, les plus grands potentiels de développement et de création d’emplois se trouvent dans la biomasse, dans une moindre mesure le biogaz et dans le photovoltaïque à couche mince. Dans les activités en cours de verdissement, l’Île-de-France est bien positionnée sur les réseaux électriques intelligents et sur le bâtiment à faible impact environnemental. Elle dispose du tissu d’acteurs nécessaires, mais doit passer à l’échelle en multipliant les expérimentations et adapter les compétences des actifs du secteur. Dans les transports et la logistique, par contre, bien que l’intégration de l’environnement soit un enjeu majeur, le secteur compte encore de nombreuses PME mal préparées à la transformation écologique. C’est une fragilité potentielle forte en Île-de-France. De manière générale, sur l’ensemble des filières de l’économie verte, les grands groupes sont en avance sur la transformation écologique. En revanche, une attention particulière doit être portée par les pouvoirs publics aux PME et TPE et à leurs salariés.

Les entreprises franciliennes doivent innover et adapter leurs processus de production dans un environnement très concurrentiel

La transformation écologique de l’économie francilienne se matérialise aussi dans l’expérimentation de nouveaux modèles économiques. Le concept d’économie circulaire est celui qui couvre le plus largement l’ensemble des principes généralement promus par ces modèles en émergence. Ces nouvelles façons de produire et de consommer tentent de réduire la consommation de ressources de l’économie tout en continuant de créer de la valeur. Les marges de progression vers une économie régionale plus circulaire sont considérables en matière d’énergie, d’alimentaire, de recyclage des déchets, d’écoconception des produits. Pour les entreprises, préserver l’environnement, optimiser les flux de matières et d’énergie est une façon à la fois de diminuer les risques de rupture d’approvisionnement, de diminuer les coûts de revient des produits mais aussi de se démarquer sur des marchés de plus en plus exigeants en matière de normes environnementales. Les défis sont nombreux et multiples. Les entreprises franciliennes doivent innover et adapter leurs processus de production dans un environnement très concurrentiel. Les individus doivent faire évoluer leurs compétences sur un marché du travail en mouvement et avec un taux de chômage important. Enfin, les politiques publiques doivent décider des plans d’investissements publics, à long terme, dans un contexte d’austérité budgétaire.

La transformation écologique suppose de relier l’économie actuelle à des objectifs de long terme (15 à 40 ans)

Les politiques régionales peuvent, en complémentarité avec les stratégies européenne et nationale, donner le cap et le cadre de cette transformation. Les marges de progression sont encore importantes. Elles existent, à la fois, dans l’élaboration et la diffusion d’une culture commune en la matière, la mise en pratique des concepts par les acteurs publics et privés, la structuration des filières industrielles de l’économie verte, la généralisation des principes de l’économie circulaire à l’ensemble de l’économie, et enfin l’accompagnement des entreprises et des territoires dans leurs transformations. La transformation écologique suppose de relier l’économie actuelle à des objectifs de long terme (15 à 40 ans) via une trajectoire qui soit la plus « praticable » possible, génératrice d’activités nouvelles et d’emplois. Agir sur la création d’emplois soulève des enjeux d’anticipation des mutations économiques, de concertation (entre les parties prenantes privé/public), de partage des diagnostics (environnement, économie, formation), d’articulation (entre long, moyen et court terme), mais aussi d’appropriation (par les acteurs économiques, les pouvoirs publics). Nos recommandations s’articulent autour de quatre grands axes :

  • La nature du cap politique : l’objectif doit être transversal, quantifiable et de long terme pour permettre de clarifier la trajectoire de transformation et limiter ainsi la prise de risque des acteurs.
  • L’accompagnement des acteurs publics : les concepts sont présents dans les politiques régionales, depuis plusieurs années, mais il y a un décalage entre la théorie et la pratique. De la sensibilisation au changement, il y a un nécessaire accompagnement des acteurs publics, sur la durée, qui n’a pas été encore fait.
  • L’intégration des enjeux environnementaux dans la stratégie économique : les marges de progression subsistent à la fois dans la définition de priorités industrielles, la mise en pratique des innovations, la clarification du calendrier d’investissement, l’amélioration des outils de mesure de l’emploi dans l’économie verte.
  • Enfin, face à la rapidité des mutations, l’anticipation et la coordination des acteurs aux différentes échelles nous paraissent indispensables pour optimiser la création d’emplois. Il s’agit de travailler étroitement avec les territoires, les entreprises, notamment les TPE PME, et de développer l’offre de formation initiale et continue en environnement pour les Franciliens.

La région Île-de-France peut jouer un rôle de premier ordre pour faire de la transformation écologique, une réussite en matière de développement économique et d’emploi. La plupart des innovations qui pourraient permettre de réduire par quatre nos émissions de CO2 en 2050 existent déjà. Dans cette transformation, les plus rapides seront les grands gagnants.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Économie | Économie verte et circulaire | Emploi | Environnement urbain et rural | Développement durable

Études apparentées