L’empreinte spatiale de la logistique au défi de la sobriété foncière

Note rapide Économie, n° 992

16 octobre 2023ContactCorinne Ropital

Au cœur du système productif, l’empreinte immobilière et spatiale de la logistique reste mal connue et source de débats contradictoires. Dans le contexte de la révision du schéma directeur de la région Île-de-France, comportant un fort volet environnemental (Sdrif-E), et de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), la place de la logistique dans les territoires franciliens est à réinventer. Une partie de la réponse consiste à agir sur le socle existant. Une démarche exploratoire de L’institut Paris Region propose une mise en perspective de ces enjeux au regard du bâti exploité par la filière en Île-de-France.

Les produits consommés et/ou transformés en Île-de-France s’appuient sur une filière clé : la logistique. Sa diversité, liée aux secteurs d’activité qu’elle gère, transparaît dans une organisation qui repose sur plusieurs formes bâties : entrepôts, locaux d’activités ou mixtes et immeubles exploités en rez-de-chaussée composent le profil immobilier. Les enjeux et les actions nés de la crise climatique marquent un tournant dans l’empreinte spatiale de la logistique. La dynamique de construction de mètres carrés qu’elle a connue en Île-de-France est désormais contrainte par l’objectif Zéro artificialisation nette à l’horizon 2050. Ce nouveau contexte contribue à imaginer des solutions afin d’intensifier les usages logistiques et de réinvestir les fonciers urbanisés. Les conditions pour y parvenir s’étendent au-delà des territoires franciliens qui structurent l’organisation logistique actuelle. EIle aura à s’adapter au ZAN, au ZEN1 et aux évolutions de l’écosystème régional.

80 % DES SURFACES LOGISTIQUES SUR 20 % DU TERRITOIRE FRANCILIEN

Les travaux menés à L’Institut Paris Region pour caractériser les filières logistiques et l’immobilier ont abouti à l’identification et à la classification de 1 600 établissements, occupant 15 millions de mètres carrés bâtis, implantés sur 280 communes. Si l’on s’intéresse aux surfaces occupées, on observe un fort déséquilibre entre la petite couronne et la grande couronne d’une part, et entre l’Est et l’Ouest francilien d’autre part. La grande couronne absorbe 70 % des surfaces bâties recensées, avec en tête l’Essonne, le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne ; les Yvelines, en revanche, accueillent quatre fois moins de m² que l’Essonne. En petite couronne, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis pilotent la structure logistique, loin devant les Hauts-de-Seine. À l’échelle des intercommunalités, 14 d’entre elles concentrent 80 % des surfaces bâties. L’analyse fine révèle même qu’avec 50 % des surfaces cumulées, cinq territoires sont au cœur du système logistique francilien : Roissy Pays de France (15 % des surfaces), Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart (15 %), Grand-Orly Seine Bièvre (8 %), Paris Terres d’Envol (6 %) et Paris-Saclay (4 %). Selon notre estimation, les fonctions logistiques représentent ainsi 5 % de toutes les surfaces bâties (y compris résidentielles) en Île-de-France. Ce rapport peut encore augmenter, en particulier dans les communes les moins urbanisées et qui ont accueilli récemment des parcs logistiques composés de grands bâtiments, comme Châtres, Réau (77) ou Vémars (95). La dépendance constatée entre territoire avec logistique et territoire « sans » logistique n’est pas la seule. Les périmètres constitués par les trois couronnes autoroutières jouent globalement trois rôles différents : transit, stockage ou les deux. Plus on se rapproche du consommateur hyperurbain, plus les filières produits se spécialisent et se concentrent sur l’activité de transit (stockage nul ou limité). Plus on s’en éloigne, plus la fonction de stockage se structure. L’intra-A86 se caractérise par les produits alimentaires et l’activité des colis/courriers, assimilable au dernier maillon de la chaîne d’approvisionnement, alors que le périmètre compris entre l’A86 et la Francilienne relève de la catégorie « mix universel » sans dominante particulière (produits de grande consommation alimentaires et non alimentaires, produits industriels, colis/courriers, etc.). Au-delà de la Francilienne, on trouve davantage de produits de grande consommation, en particulier non alimentaires2.

 

REPENSER LA MULTIMODALITÉ ET COMPTER AVEC LE TRANSPORT ROUTIER

Cette organisation participe au succès du mode routier. La très grande majorité des établissements identifiés se positionnent en fonction de deux infrastructures clés : l’A86 et la Francilienne. Moins de cinq kilomètres séparent ces établissements d’un axe routier majeur, confirmant le rôle central de ce mode pour les marchandises, avec lequel il faudra donc compter pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour autant, cet objectif devrait inciter les acteurs de la chaîne d’approvisionnement à repenser leur schéma de transport en s’appuyant davantage sur les modes ferré ou fluvial. En 2023, cela repose sur les équipements intermodaux (chantier de transport combiné3 ou terminal à conteneurs4) et les embranchements ferroviaires5. La proximité entre ces outils et les bâtiments identifiés (moins de 10 kilomètres pour la moitié d’entre eux) offre des perspectives de report modal. Mais la plupart des développements logistiques des années 2000 ont été pensés « tout route ». Les plus grands bâtiments (supérieurs à 30 000 m²), qui représenteraient un report modal potentiel de masse, se trouvent loin des principaux équipements intermodaux ou ne sont pas embranchés. Dans ce contexte, les sites d’activités plus anciens accueillant la logistique ou l’industrie et connectés aux modes alternatifs représentent un gisement à préserver face à la pression foncière qui bénéficie à d’autres usages que ces activités économiques. Parallèlement, la présence de transports en commun adaptés devient l’un des critères qui permettent de recruter et de fidéliser les salariés. À l’échelle régionale, 40 % des établissements identifiés se situent à moins d’un kilomètre d’une gare (RER ou Transilien). Ceux de petite couronne (62 %) sont avantagés par rapport à ceux de grande couronne (22 %), et encore plus si l’on compare ceux compris dans le périmètre de l’ A86 (84 %) à ceux compris entre l’A86 et la Francilienne (29 %) et au-delà de celle-ci (24 %). Pour les surfaces bâties, l’équilibre reste inchangé : 23 % des mètres carrés se situent à moins d’un kilomètre d’une gare, le territoire le plus accessible restant celui situé à l’intérieur de l’A86 (59 %, contre 22 % et 17 % pour les deux autres périmètres).

 

 

VERS UNE AUTRE LOGISTIQUE, NOTAMMENT POUR PLUS DE SOBRIÉTÉ FONCIÈRE

Pour les prochaines années, les enjeux et les actions nés de la crise climatique marqueront un tournant dans l’empreinte spatiale de la logistique. L’analyse du Mode d’occupation des sols (Mos) a montré que 770 hectares ont été consommés en moyenne chaque année en Île-de-France de 2012 à 2021, principalement pour construire des logements (54 %) et répondre aux besoins des activités économiques (39 %). Tout en s’inscrivant dans la trajectoire du Zéro artificialisation nette, dont les objectifs seront définis dans le futur Sdrif-E, il reste difficile d’estimer la place de la logistique en fonction des besoins futurs. Son déploiement, encore aujourd’hui, traduit l’évolution des stratégies des entreprises, la sortie de crises (2008, Covid…) et le développement du e-commerce. La distribution sous toutes ses formes (grande distribution – alimentaire et spécialisée –, e-commerce, activités de gros…) reste à l’origine de la progression des mètres carrés logistiques et de la majorité du bâti. Elle gagne encore du terrain et se diffuse dans toutes les métropoles au-delà de la dorsale historique nord-sud. En 2015, elle représentait 39 % des plateformes (plus de 5 000 m²) en Île-de-France et 31 % en France6. 32 % des établissements recensés relèvent de cette filière en région capitale. Aujourd’hui, sans la distribution et sans sa filière logistique, l’Île-de-France ne serait plus alimentée7. Elle absorbe ainsi 70 % des établissements logistiques gérant des produits alimentaires. Cette dépendance se traduit plus globalement à travers les produits de grande consommation (PGC)8, qui captent plus de la moitié des surfaces logistiques caractérisées (56 %), en particulier quand il s’agit des PGC non alimentaires, qui représentent 30 % du total. Une réindustrialisation attendue en Île-de-France induira le déploiement d’une offre logistique aujourd’hui peu présente. En 2015, 13 % des plateformes franciliennes relevaient de la filière industrielle, soit deux fois moins que le total national (27 %). Sur les 1 600 établissements recensés en Île-de-France, 12 % sont concernés. Une « autre » logistique est donc amenée à apparaître en Île-de-France, influencée par le ZAN, les changements relatifs à la production (moins de grand import, plus de « local » et de circulaire), aux réseaux de distribution (plus de proximité), à l’offre (nombre de références…) et à la demande (modes de consommer). Développer l’industrie – quelle qu’en soit la forme –, et converger vers une économie décarbonée et circulaire reposeront sur la mise en place d’un support logistique. Il aura à se constituer en grande partie sur les mètres carrés existants en 2023.

 

 

PASSER DU MODÈLE EXTENSIF AU MODÈLE INTENSIF : UN ÉQUILIBRE À TROUVER ALORS QUE LE SYSTÈME LOGISTIQUE FRANCILIEN DÉPASSE LE TERRITOIRE

L’ambition de réduction de la consommation foncière nécessite de se concentrer sur cet existant. La dynamique du marché montre de fortes variations selon les surfaces développées. Depuis 2017, 42 % des projets situés en Île-de-France créant 5 000 à 10 000 m² de stockage ont été produits sur des sites qui incluaient déjà des surfaces logistiques, contre respectivement 28 % et 13 % des opérations de 10 000 à 30 000 m² et de plus de 30 000 m²9. Le déploiement des plus grands entrepôts s’est produit en mode extensif sur des terrains nus « encore » disponibles et au-delà de l’Île-de-France. Ce phénomène d’éloignement vis-à-vis du marché francilien continuera-t-il à s’étendre aux régions voisines, alors qu’elles sont également soumises au desserrement logistique en leur sein et à l’application des objectifs ZAN ?

REPENSER L’EXISTANT

Plusieurs enjeux se posent afin de « reconstruire » la logistique sur la logistique. Le premier d’entre eux concerne le maintien de cette activité face aux nouveaux usages souhaités pour ces espaces. Or, 28 % des sites d’activités économiques (SAE) concernés par cette activité font l’objet de projets d’habitat. Cette mixité nouvelle présente un risque de rejet de la logistique de la part des populations riveraines et contribue à la disparition progressive de cette filière (et des activités économiques hors tertiaire) dans les territoires les plus tendus. Conserver sa place et réduire le risque d’éviction des fonctions logistiques impliquent d’allier conditions d’exploitation et d’insertion dans les environnements urbains. Les actions à venir pour décarboner le bâti logistique existant devraient contribuer à ce maintien. Le troisième défi est celui de sa densification, en « piochant » dans leurs réserves foncières et/ou en verticalisant les surfaces utiles. La question de l’adaptation des règles (celles inscrites dans les documents d’urbanisme locaux, notamment) se pose pour intégrer l’intensification de l’usage foncier, tant pour les mètres carrés bâtis que pour les espaces extérieurs nécessaires à l’exploitation du bâti (stationnement des véhicules utilitaires, aires de manoeuvre…). Les normes en matière de sécurité interviennent aussi, selon les capacités de stockage du site. On peut supposer que plus le bâtiment préexistant est bas, plus le potentiel de densification est élevé. Les hauteurs constatées varient selon la période de construction, la localisation et le type de bâtiment (entrepôt, local d’activités…). La majorité du parc recensé se compose d’entrepôts de 9 à 12 mètres de haut. À chaque décennie, cet actif s’élève un peu plus, à l’aide des nouveaux process industriels pour traiter les marchandises. Le standard peut atteindre aujourd’hui 15 mètres. Parallèlement à l’entrepôt « classique », des bâtiments logistiques urbains verticaux se positionnent dans des zones d’activités proches de Paris et de l’A86. Repenser l’existant revient à s’intéresser à la nature des constructions. Dans cette première exploration, les locaux d’activités ou mixtes10 représentent 30 % des formats occupés par les établissements recensés, et plus encore dans les territoires du centre et de l’ouest de l’Île-de-France. Les solutions immobilières à imaginer sont donc nombreuses. De même, l’analyse de l’âge du bâti offre une clé de lecture intéressante de sites et territoires où une densification de l’offre pourrait être menée. Le périmètre de l’A86 et celui s’étirant vers le nord, le long de l’A1 et de l’A3, font partie des espaces prioritaires à explorer. S’il va sans dire qu’une partie des locaux a déjà fait l’objet de réhabilitation/requalification, d’autres opérations pourraient être engagées, notamment en vue d’appliquer le décret « Éco Énergie Tertiaire »11. Intensifier l’existant alors que l’offre se raréfie est un défi, notamment pour reloger les occupants. Le taux de vacance pour les entrepôts est descendu à 3,5 % en Île-de-France, contre 7 % dix ans plus tôt. En ce sens, les opérations « tiroirs » offrent une réponse conditionnée à la volonté des collectivités de maintenir et d’intensifier la filière logistique. La quête de foncier dépasse nécessairement la réutilisation des surfaces logistiques actuelles. Les anciens sites industriels font partie des potentiels dont le devenir économique – en particulier logistique – est à préserver, d’autant plus s’ils sont de grande envergure, comme Dentressangle, à Cergy, sur un foncier de 27 ha anciennement occupé par Renault, connectés au réseau routier structurant et multimodaux. À une tout autre échelle, cette recherche concerne aussi les centres-villes et d’autres typologies de sites.

 

 

Le figuré noir représente l’espace exploité par la fonction logistique dans les bâtiments caractérisés ici selon leur hauteur et leur forme. Globalement, les locaux d’activités correspondent aux bâtiments de moins de 7,5 mètres, les entrepôts à ceux allant de 7,5 à 15 mètres, et les immeubles à ceux de plus de 15 mètres. La place de la logistique dans ces derniers se limite aujourd’hui au rez-de-chaussée ou au sous-sol, alors qu’elle occupe l’ensemble de l’espace dans les autres types de bâtis.

 

ALLER À LA RENCONTRE DU CONSOMMATEUR DANS L’HYPERURBAIN

D’ailleurs, se positionner en hypercentre urbain devient un enjeu pour la sphère logistique, des propriétaires aux usagers des mètres carrés (investisseurs et brokers, ou commercialisateurs, inclus). Les espaces recherchés concernent des sites bien localisés, avec un bâti à (ré)adapter. Les bureaux de poste, dotés de quais et de cours, ainsi que l’évolution des flux (chute de l’activité courrier) amènent à penser que ces lieux font partie des « idéaux » pour une offre logistique de proximité. En parallèle, des surfaces en pied d’immeubles sont à exploiter, toujours sous certaines conditions. À Paris, par exemple, 75 % des m² identifiés sont au coeur de bâtiments verticaux, dédiés aux activités ou dominés par la fonction résidentielle. Très urbanisés, la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine sont également concernés. Dans ce contexte, les quartiers urbains en renouvellement ou en construction se doivent d’intégrer les derniers m² logistiques au plus près des usagers de ces nouveaux morceaux de ville.

UNE RUPTURE DU MODÈLE SPATIAL À ACCOMPAGNER

Les établissements et mètres carrés identifiés constituent une partie du support logistique de l’économie francilienne. L’objectif ZAN ne peut remettre en cause le rôle essentiel de la filière. Les conditions doivent donc être réunies pour qu’elle reste présente en Île-de-France et qu’elle réinvente son modèle spatial et immobilier. Préserver, renouveler, intensifier en exploitant les mètres carrés déjà urbanisés – qu’ils soient déjà utilisés par la logistique ou non –, « réserver » des espaces en devenir… tout cela contribuera au « ZAN logistique ». Cela suppose que les réflexions à engager dépassent les cinq grands territoires identifiés afin de couvrir la région et les territoires voisins, et que les règles en matière d’urbanisme relèvent le défi de pouvoir à la fois (re)construire plus haut, plus près (limites aux parcelles, espace en milieu urbain…), plus vert (renaturation, énergies renouvelables…), en toute fluidité (accès, stationnement des véhicules utilitaires, aire de manoeuvre…) et en toute acceptabilité.■

 

1. Zéro emission nette.
2. Les produits de grande consommation non alimentaires correspondent, par exemple, à ceux de l’équipement de la personne (produits textiles, chaussures…) et de la maison (meubles, électroménager, bazar, bricolage…).
3. Équipement ferroviaire qui assure le transfert de conteneurs et de caisses mobiles entre les modes routier et ferroviaire, comme à Valenton ou à Noisy-le-Sec.
4. Équipement (fluvial, en Île-de-France) qui assure le transfert de conteneurs maritimes ou urbains entre les modes fluvial et routier, comme à Gennevilliers ou à Bonneuil-sur-Marne.
5. Voie ferrée desservant un bâtiment (entrepôt, usine…) ou un grand site d’activités (port…) à partir du réseau ferroviaire.
6. Source : Atlas des entrepôts et des aires logistiques en France en 2015, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mars 2017.
7. En 2018, 65 % des produits alimentaires étaient commercialisés par les grandes surfaces d’alimentation générale, en France, d’après l’Insee en 2020.
8. Les surfaces dédiées aux produits de grande consommation regroupent celles qui traitent de produits alimentaires, de boissons ou de produits non alimentaires (textile, électroménager…), ou qui mixent produits alimentaires et non alimentaires.
9. Base de données des permis de construire Sitadel 2 : résultats portant sur les projets commencés ou terminés.
10. Local mixte : bâtiment accueillant des activités complémentaires à la logistique (siège d’une entreprise, laboratoire, site de transformation, espace de vente…).
11. Le décret « Éco Énergie Tertiaire » oblige la réalisation d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments, en particulier logistiques d’au moins 1 000 m² incluant des activités tertiaires.

 

DIFFÉRENTES MÉTHODES POUR ESTIMER LE PARC LOGISTIQUE EN ÎLE-DE-FRANCE

La donnée relative aux permis de construire fournie par Sitadel2 est la plus exploitée pour évaluer la spatialisation logistique. Toutes surfaces de stockage confondues, l’Île-de-France a accru son parc de 7 millions de m² au cours des années 1990, de 5 millions dans les années 2000 et d’autant la décennie suivante. Si cette source a l’avantage d’être pérenne, elle ne permet pas cependant d’évaluer le parc réel, dans la mesure où les disparitions de m² logistiques ou les changements de destination sont difficilement exploitables. Pour y remédier, la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (Drieat) d’Île-de-France a croisé plusieurs sources de données (Sitadel, Dgfip, Grecam…) et publié, en 2013, le chiffre de 17,5 millions de m² présents en Île-de-France en 2010, en distinguant les entrepôts de moins de 5 000 m² (2,7 millions de m²) de ceux de plus de 5 000 m² (14,8 millions de m²). Pour ces derniers, le Service des données et études statistiques (Sdes) a identifié 12,5 millions de m² en 2015. De son côté, l’Université Gustave Eiffel (UGE) a recensé 15,7 millions de m² de plus de 200 m² en 2017, en s’appuyant notamment sur la base Sirene. En 2022, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a identifié 4,5 millions de m² au sein de la métropole du Grand Paris. Quant à l’Afilog, elle avance le chiffre de 14 millions de m² pour les actifs de plus de 10 000 m² en 2023 sur l’ensemble du territoire francilien. Les méthodes utilisées par l’UGE et l’Apur identifient les filières logistiques associées à 130 codes NAF* et les surfaces occupées par un repérage terrain. L’Institut a exploré une démarche alternative ouvrant des pistes pour agir sur l’existant, et le faire évoluer vers un autre modèle spatial de la logistique face au ZAN. Les résultats peuvent donc varier par rapport aux autres méthodes. Parti du modèle de l’UGE et des données Sirene 2019, L’Institut a davantage axé son travail sur le profil et l’usage des bâtiments grâce aux données IGN et à une analyse qualitative du bâti, qui peut être partagé entre logisticiens, avec d’autres métiers et/ou usages (résidentiel, tertiaire). Il peut s’agir d’entrepôts, de locaux d’activités ou mixtes, d’immeubles, etc. La sélection des établissements a reposé sur les codes NAF « fondateurs » de la logistique, la tranche d’effectif, le territoire (Paris, hors Paris), mais aussi sur des professions et des bâtiments « hybrides », comme le commerce de gros associé à des espaces de vente. Le premier bilan aboutit ainsi à l’identification de 1 600 établissements occupant des bâtiments dont la surface au sol atteint 15 millions de m². Cette sélection a toutefois entraîné la suppression d’établissements à vocation logistique. C’est l’une des raisons pour lesquelles un second travail a consisté à intégrer d’autres bâtiments au-delà des 15 millions de m² occupés par les 1 600 établissements, en fonction de leur localisation et de leur silhouette. On atteint alors une estimation brute de 19,5 millions de m². En 2023, d’autres méthodes se développent en intégrant l’objectif de mise à jour régulière des résultats, en mobilisant des données pérennes, suivies et modélisables.

*nomenclature d’activités française

NEUTRALITÉ CARBONE ET TRANSPORT ROUTIER

L’objectif à l’horizon 2050, inscrit dans la loi Énergie-climat, passe par la réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne en 2030, par rapport à 1990. En France, la Stratégie nationale bas-carbone 2 (SNBC2) vise une réduction de 40 % pour cette première étape. Avec environ 31 % des émissions régionales de GES, les transports routiers de personnes et de marchandises sont le deuxième secteur le plus émetteur en Île-de-France, derrière le bâti résidentiel et tertiaire (47 %). Les poids lourds et les véhicules utilitaires légers représentent respectivement 25 % et 17 % des émissions de GES des transports routiers franciliens.

INFORMATIONS EXPLOITÉES DANS CETTE NOTE

Les filières logistiques

Les filières principales définies ici correspondent à la classification la plus utilisée pour distinguer les fonctions logistiques. Pour la filière de la distribution, l’établissement gère la logistique de produits destinés à la revente aux professionnels (grossistes, par exemple) ou aux particuliers (grande distribution générale ou spécialisée et leurs filiales logistiques – ITM pour Intermarché, Samada pour Monoprix, par exemple, commerce en ligne). Pour la filière industrielle, le site gère la logistique de produits d’un (groupe) industriel, d’une marque (Delsey, Electrolux, Sisley, par exemple). Pour la filière transport/logistique, l’établissement est un prestataire transport ou logistique (DHL, Id Logistics, par exemple). L’activité du site est assurée pour son propre compte (Fedex, par exemple) ou pour un/des client(s).

Les produits traités

Huit classes principales de produits ont été définies : produits alimentaires, boissons, produits de consommation non alimentaires (équipement de la personne, par exemple), produits de consommation mixte, produits industriels (produits automobiles, par exemple), colis/courriers, multiples (mix entre produits de consommation et produits industriels, par exemple) et autres marchandises. Dans certains cas, elles sont déclinées en sous-classes (produits alimentaires frais et/ou secs, par exemple).

Les profils du bâti

Pour observer la diversité de formats immobiliers impliquant la filière, sept catégories de bâtiments ont été définies : entrepôt, bâtiment mixte (associant, par exemple, la fonction de stockage et de point de vente, tels les grossistes localisés sur le marché d’intérêt national de Rungis), local d’activités (bâtiment de faible hauteur équipé de quai(s), voire de bureaux), bâtiment de service (bureau de poste en centre urbain dense doté de quai(s), d’une cour ou d’une aire de stationnement), bâtiment logistique urbain, immeuble et souterrain. Cette première version est amenée à évoluer.

INNOVATIONS IMMOBILIÈRES EN ÎLE-DE-FRANCE ET AILLEURS

La verticalisation du bâti logistique est apparue dans les années 1970 en Île-de- France (Pantin Logistique, Entrepôt Ney…). Cinquante ans plus tard, elle fait son retour. Multiforme, elle s’adapte aux caractéristiques d’un foncier contraint et aux usages environnants. L’outil est dédié à la logistique (Paris Air2 à Gennevilliers, Prologis Georgetown Crossroads Seattle, projet à Aulnay…) ou est associé à d’autres activités accueillies dans les étages les plus élevés, jusqu’à la toiture (Chapelle International, projet sur le port de Lyon Édouard- Herriot…). La verticalisation se réalise dans des sites d’activités qui conservent leur vocation économique ou qui sont reconfigurés au profit de nouveaux quartiers résidentiels et de grands équipements, tels que les gares du Grand Paris Express.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Foncier | Commerce et consommation | Immobilier d'entreprise | Transport de marchandises et logistique

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