Parcoursup en Île-de-France : quelles dynamiques de l'offre et de la demande ?

Chronique de Parcoursup n° 1

05 juin 2025ContactSéverine Albe-Tersiguel

Lancé en 2018, Parcoursup a désormais atteint sa maturité après plusieurs années d'ajustements et d'expérience. Il est désormais possible de dresser un bilan de ce dispositif : que révèle-t-il sur l'adéquation entre l'offre et la demande de formation supérieure dans notre région ? Quelles spécificités caractérisent une métropole-capitale en la matière, et quels déséquilibres sont mis en lumière ?

À l’heure où les lycéens découvrent les résultats de la première phase d’admission, ce premier numéro des Chroniques de Parcoursup propose une analyse de l’offre et de la demande en matière d’enseignement supérieur en Île-de-France, telles qu’elles se dessinent dans les informations enregistrées sur Parcoursup en 2024. Grâce aux données mises à disposition en open data par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (hors formations en apprentissage), il est possible d’observer l'offre à l'entrée dans l’enseignement supérieur, la répartition géographique, le profil des futurs étudiants et leur accès effectif aux formations proposées.

Effet ciseau entre offre et demande de formation

L’offre de formation sur la plateforme Parcoursup a beaucoup augmenté les premières années suivant son lancement en 2018, notamment en raison de l’intégration de nouvelles formations. Entre 2019 et 2020, près de 8 800 places supplémentaires apparaissent avec l’ajout de certaines formations sanitaires, mais également celles proposées par les instituts d’études politiques, des écoles supérieures d’art, de cuisine, ou des formations bac + 3. Le nombre de places offertes augmente également dans certaines filières déjà présentes, telles que la formation au diplôme d’état (DE) d’infirmier ou les écoles de commerce et de management. Ces mêmes filières, ainsi que les écoles d’ingénieurs, alimentent ensuite la croissance entre 2020 et 2021. Par la suite, l’offre continue de croître mais à un rythme moins soutenu. À la rentrée 2021, les BUT (bachelors universitaires de technologie), préparés en 3 ans, remplacent les DUT (diplômes universitaires de technologie), préparés en 2 ans1.

Si l’offre de formation stagne, tel n’est pas le cas de la demande. Après le pic de 2020, où les bacheliers2  sont particulièrement nombreux en raison des conditions favorables de passage du diplôme liées à la pandémie de covid-19, le nombre de diplômés du baccalauréat se stabilise, à un niveau bien supérieur à celui de 2019 (9 200 bacheliers de plus). La réforme du baccalauréat à partir de la rentrée 2019-2020, avec une forte part de contrôle continu, explique probablement cette évolution. L’estimation du nombre de bacheliers augmente à nouveau à partir de 2022, suivant le volume des naissances 18 ans plus tôt, accroissant ainsi le nombre de vœux émis par place. À cela s’ajoute une meilleure intégration de la plateforme par les instituts de formation mais également la difficulté constatée d’être admis dans la filière de son choix, poussant les candidats à élargir le champ et le nombre de leurs vœux afin d’augmenter leurs chances de trouver une formation. Cette situation est visible dans le graphique ci-dessous, la courbe en tirets orange représentant le nombre moyen de vœux par candidat3

Note

Depuis 2020, la PACES, première année commune aux études de santé, a été remplacée par les PASS et L.as.

  • Le PASS (Parcours d’accès spécifique santé) est une première année universitaire comprenant une majeure constituée d'enseignements en santé et une mineure généraliste (droit, biologie, économie, mathématiques, etc.).
  • La L.as (Licence avec une option « accès santé ») est une licence généraliste avec une mineure santé.

Parcoursup, révélateur des déséquilibres territoriaux d'accès à l'enseignement supérieur

L’analyse de l’offre de formations à l’échelle des bassins d’emplois4 révèle, en toute logique, la place particulière occupée par Paris. Il s’agit du seul bassin où toutes les filières sont représentées, y compris les PASS, les écoles de commerce et les écoles d’ingénieur. Si l’on inclut les bassins dans lesquels des L.as sont proposées, quatre autres ressortent comme ayant une offre également très diversifiée : en petite couronne, Paris Ouest La Défense (EPT 4), Plaine Commune (EPT 6) et  Grand-Orly Seine Bièvre. Porte Sud du Grand Paris (91) et Ouest 95 se distinguent au sein de la grande couronne, grâce à la diversité de formations proposée dans les pôles que sont les villes nouvelles d’Evry et de Cergy-Pontoise. Pour autant, l’offre est la moins importante et la moins diversifiée dans les bassins situés aux franges de la région, notamment dans un croissant ouest-sud-est, auquel se joint le bassin Est 95.

Dans la même logique, on constate que seuls quelques bassins principalement situés en proche couronne proposent un nombre de places en première année bien supérieur au nombre de bacheliers : Paris (EPT 1), Grand Paris Sud Est Avenir (EPT 11), Paris Ouest la Défense (EPT 4). À l’inverse, de nombreux bassins, surtout situés en grande couronne, recensent une offre de formation inférieure au nombre de bacheliers. Dans ceux-ci, les jeunes bacheliers doivent alors s’orienter vers des établissements situés dans un autre territoire, vers lesquels ils se déplaceront quotidiennement ou déménageront pour s’en rapprocher. La richesse et la diversité des formations proposées par la métropole constituent autant d’opportunités. Cependant, une partie de ces jeunes ne poursuit pas d’études en raison de temps de trajet trop longs et du coût trop élevé d’un logement indépendant.

Enfin, la prise en compte des académies d’origine des étudiants néo-bacheliers admis en formation confirme cette lecture d’une Île-de-France où plusieurs réalités de l’enseignement supérieur coexistent. La part d’étudiants néo-bacheliers5 restant dans l’académie dans laquelle ils ont passé le baccalauréat est très variable selon les bassins. Paris fait figure d’exception, avec seulement 24 % d’étudiants qui fréquentaient un lycée de l’académie l’année précédente. Cela reflète la forte densité d’établissements supérieurs à Paris mais aussi la notoriété et le caractère unique de l’offre de formation de certains. La part d’étudiants originaires des autres académies franciliennes est ainsi beaucoup plus importante que dans les autres bassins (51 %), tout comme la part des étudiants originaires d’une autre académie française ou de l’étranger (24 %). C’est dans les bassins en bordure de la région que la part d’étudiants venant d’avoir leur baccalauréat dans la même académie est la plus forte. La difficulté pour nombre d’entre eux de s’éloigner, pour des raisons personnelles ou financières, de leur domicile6 explique probablement en partie cette situation. Par ailleurs, dans ces mêmes bassins, la part d’étudiants venant d’une académie hors Île-de-France est non négligeable, en raison peut-être de la proximité aux autres régions, moins dotées en établissements d’enseignement supérieur.

Pour autant, la comparaison entre les admis dans les formations supérieures et les vœux émis dans Parcoursup révèle une géographie un peu différente. Au centre, mais aussi à l’ouest de la région, apparaissent des bassins où la « sélectivité » semble plus élevée. Cette tension peut être liée à une capacité d’accueil trop faible dans un bassin où la demande est forte en raison de la notoriété de certaines formations. À l’inverse, à l’est de la région, les établissements peinent à admettre des étudiants à hauteur de leur capacité d’accueil.

Le « taux de remplissage » s'élève en moyenne à 94 % pour l’ensemble des formations. Les bassins où celui-ci est plutôt bas sont ceux qui, soit proposent peu de places (Est 77, Brie Créçois, Seine Aval), soit ont une offre très large (Versailles Saclay ou Paris Ouest la Défense (EPT 4). Cela pose la question de l’adéquation entre les formations proposées et la demande de formation de la part des étudiants (les besoins économiques de formation ne rencontrent pas forcément les aspirations des jeunes) ou celle de la notoriété des formations.

Genre, filière, catégorie sociale : les grands déterminants des voies suivies

Des formations scientifiques et techniques peu féminisées

En moyenne, les femmes formulent 56 % des vœux recensés sur Parcoursup en Île-de-France. À titre de comparaison, les femmes représentent 50 % des jeunes franciliens âgés de 18 à 20 ans. Elles sont en effet plus nombreuses à obtenir le baccalauréat qui permet la poursuite d'études : en 2023, parmi les jeunes en âge d’avoir la baccalauréat, 84 % des filles l’ont obtenu, contre 75 % des garçons7. Il se peut également qu’elles formulent un nombre de vœux supérieur à celui des hommes, afin de maximiser leurs chances d’avoir une proposition d’admission. 

Au niveau des formations, certaines apparaissent particulièrement masculines, à l’instar des STS production (83 % d’hommes), des BUT production (78 %), des écoles d’ingénieur (76 % d’hommes), ou encore des CPGE scientifiques (66 %). La part des femmes parmi les admis est en moyenne inférieure de deux points à celle des vœux qu’elles ont formulés, ce qui témoigne d’un faible engagement de ces formations en faveur de leur féminisation. Le sujet de la place des femmes dans les études scientifiques et techniques a d’ailleurs été soulevé en mai 2025 par la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a lancé un plan « Filles et maths ». L’ambition affichée à l’échelle nationale est de porter de 42 % à 50 % leur nombre au sein de la spécialité mathématiques en terminale générale, et d’atteindre 20 % de filles dans chaque classe préparatoire scientifique en 2026 et 30 % en 2030 (objectif déjà atteint en Île-de-France). De son côté, France stratégie8 préconise d’instaurer un bonus sur Affelnet (vœux d’orientation post-3e) et Parcoursup pour les jeunes filles et garçons dont les vœux d’orientation se portent sur les spécialités de formation où leur sexe est nettement minoritaire.

Trois quarts des admis en 2024 ont obtenu leur baccalauréat la même année

Les vœux sont émis pour 74 % par des néo-bacheliers ; le quart restant est le fait de candidats dits « en réorientation ». Parmi eux se distinguent les candidats déjà inscrits dans l’enseignement supérieur en 2023/24 auxquels s’ajoutent les candidats inscrits en classe de mise à niveau en 2023/24 et les candidats qui n’étaient pas scolarisés en 2023/24 et qui s’inscrivent sur la plateforme pour reprendre des études dans l’enseignement supérieur. 
 

Les vœux des néo-bacheliers s’expriment majoritairement en direction des licences, des classes préparatoires aux grandes écoles et des STS. Si la part de néo-bacheliers admis en STS est sensiblement la même que celle des vœux émis, la part des admis en CPGE est, elle, inférieure de 4 points. Un report important se fait aussi sur les licences, qui admettent une part des vœux émis initialement vers les PASS. Pour les candidats en réorientation, les vœux sont émis pour les licences en premier lieu (près du tiers), puis pour les formations sanitaires, et les STS.
Les néo-bacheliers généraux formulent des vœux principalement pour les licences, les CPGE et les PASS. Les admissions pour ces candidats s’orientent davantage vers les licences (+18 points), souvent non sélectives, contrairement aux deux autres filières.

Répartition des néo-bacheliers : quelles filières pour quels bacs ?

Les bacheliers généraux sont majoritairement admis dans les filières sélectives comme les CPGE, les écoles d’ingénieur ou les parcours en santé. Les bacheliers technologiques s’orientent principalement vers les STS et les BUT, tandis que les bacheliers professionnels sont très présents en STS.

Les souhaits des néobacheliers technologiques et professionnels encouragés par la mise en place de quotas

En 2019, les vœux en direction des STS représentaient 48 % des vœux des néo-bacheliers technologiques, tandis que les DUT en rassemblaient 16 %. L’appétence pour les BUT de la part des néo-bacheliers technologiques s’est accrue. En 2021, le renforcement des quotas (initiés par la loi Fioraso de 2013 puis la loi ORE de 2018) y a contribué. Avec un objectif de 50 % de bacheliers technologiques en BUT, ils sont présentés aux lycéens en terminale technologique comme la voie privilégiée pour les études supérieures (avec les STS), même si certains directeurs d’IUT craignent que les quotas les amènent à admettre des étudiants n’ayant pas un niveau suffisant9.  
Par ailleurs, près de deux tiers des vœux des néo-bacheliers professionnels sont émis en direction des STS. Là aussi, les quotas, mis en place dès 2013, ont joué un rôle déterminant.

Boursier : un statut déterminant pour l’orientation

Concernant les catégories sociales des candidats, on remarque que les vœux des néo-bacheliers boursiers s’orientent principalement vers les STS et les licences, tandis que les vœux des non boursiers se font en direction des licences mais également des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

Dans le détail, il apparaît que le choix d’orientation des boursiers est multi factoriel :

  • Davantage contraints par leur situation financière, ils semblent favoriser les filières les moins coûteuses, licences, STS, BUT.
  • Les néo-bacheliers boursiers représentant plus du tiers des néo-bacheliers technologiques et près de la moitié des néo-bacheliers professionnels ; ils émettent davantage de vœux en direction des STS et des BUT.
  • Les STS et les BUT sont des filières professionnalisantes et permettent d’accéder au marché du travail après deux ou trois années d’études.
  • Les néo-bacheliers boursiers sont peut-être plus enclins à choisir des formations à proximité afin de ne pas avoir à quitter le domicile parental, comme les STS, filière proposée dans tous les bassins.

Enfin, au sein des admis, qu’il s’agisse des néo-bacheliers boursiers ou non boursiers, la part des licences est bien supérieure à celle que l’on observe au sein des vœux. Cela est dû aux vœux effectués en direction de licences non sélectives, qui se concrétisent pour une partie des candidats en une inscription de sécurité non réellement souhaitée11.

Comme nous venons de le voir, Parcoursup met en lumière les tensions persistantes entre l’offre de formation et les attentes des futurs étudiants franciliens. Dans un contexte d’augmentation de la demande de poursuite d’études, l’offre ne correspond pas toujours aux attentes et les inégalités territoriales, sociales et genrées restent fortes.

Un rapport détaillé analysant les données complètes de Parcoursup 2024 et leur évolution depuis 2019 paraîtra dans les prochaines semaines.

1. Les étudiants en deuxième année de DUT en 2020/2021 ont donc été les derniers à préparer ce diplôme en deux ans.
2. L’estimation du nombre de bacheliers a été réalisée par L’Institut Paris Region à partir des indicateurs de valeur ajoutée des lycées, disponibles en open data sur le site education.gouv.fr.
3. Le nombre moyen de vœux par candidat est disponible dans le bilan académique de l’année n publiés en juin de l’année n+1, par le système d’information et des études statistiques (SIES) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. La courbe sera complétée dès que ce document sera disponible.
4. Depuis l’automne 2016, un découpage de la région a été défini par le Conseil régional d’Île-de-France et l’Etat, en 24 bassins hors Paris. L'une de leurs particularités est de constituer l’échelle de référence pertinente pour identifier les besoins en compétences au regard des enjeux économiques des territoires et définir une offre de formation professionnelle, à la fois initiale (en particulier l’apprentissage) et continue, et d’orientation tout au long de la vie adaptée aux réalités du tissu économique et aux besoins des populations.
5. Certaines informations, telles que l’académie d’origine, ne sont mises à disposition que pour les néo-bacheliers (les candidats ayant obtenu le baccalauréat la même année), qui représentent 75% des admis. 
6. Cf. Note rapide n° 1037, Les jeunes du périurbain, captifs de leur territoire ? www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-jeunes-du-periurbain-captifs-de-leur-territoire/
7. Repères et références statistiques 2024 | Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, chapitre
8. https://www.strategie.gouv.fr/publications/lutter-contre-les-stereotypes-filles-garcons-quel-bilan-de-la-decennie-quelles
9. blog.educpros.fr/julien-gossa/2021/04/19/endofdut-des-quotas-et-des-reformes/
10. Les quotas d’étudiants boursiers s’appliquent dans les formations publiques sélectives et non sélectives et dans certains établissements d’enseignement privé en convention avec l’État. Les formations doivent ajouter 2 % au pourcentage de boursiers parmi les candidats. Ainsi, pour une formation qui attire 10% de boursiers sur Parcoursup, son quota sera fixé à 12 %. Le seuil minimum imposé par les recteurs s’élève à 5%, quelle que soit la formation.
11. La poursuite d’études supérieures, une demande très forte en Île-de-France, Corinne de Berny, Institut Paris Region, mars 2023

 

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