L’origine et la position professionnelle opèrent la segmentation sociale de l’Île-de-France
Une typologie des communes franciliennes croisant l’origine (immigrée ou non) et la catégorie socio-professionnelle de la personne de référence des ménages (cf. encadré « Typologie des communes ») atteste de deux éléments structurants : une mise à distance des territoires où les immigrés sont très présents (hormis les cadres) par les natifs les plus aisés principalement (cadres, professions intermédiaires) ; et l’attrait qu’exerce la centralité sur les cadres (immigrés ou non) en opposition à la nécessité des catégories moins aisées, natives pour la plupart, de s’éloigner pour pouvoir accéder à la propriété. La typologie permet de classer les communes en dix secteurs distincts dessinant quatre grands types d’espace.
Dans les espaces aisés (secteurs 1 à 3 représentant 34 % des ménages), les cadres dominent. Dans le secteur le plus aisé, où figurent les arrondissements ouest de la capitale et Neuilly-sur-Seine, la part des ménages dont la personne de référence est cadre ou ancien cadre, est maximale (45 %), à la fois chez les Français de naissance et chez les immigrés, même si ces derniers restent très minoritaires. Dans les secteurs 2 et 3, la part des cadres reste élevée, respectivement 40 % et 39 %. Les profils par catégorie sociale sont assez proches, avec toutefois davantage d’immigrés dans le secteur 2, plus central – 22 % contre 17 % –, et davantage d’inactifs autres que retraités. Le secteur 2 reste très ancré sur Paris, le secteur 3 s’inscrit davantage dans le prolongement de cette zone aisée vers l’ouest, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines.
Dans les espaces urbains très modestes (secteurs 8 à 10 représentant 32 % des ménages), les catégories modestes sont prédominantes et en grande partie issues de l’immigration. Dans le secteur 10, le plus pauvre, sept ménages sur dix relèvent des catégories employés, ouvriers ou inactifs autres que retraités. Plus de la moitié des personnes de référence sont immigrées. Ce secteur forme un ensemble quasi contigu nord-sud de communes s’étirant de Saint-Denis et Aubervilliers à Villiers-le-Bel et Goussainville. S’y ajoutent Sevran et Clichy-sous-Bois plus à l’est, Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne, Grigny dans l’Essonne, Les Mureaux dans les Yvelines et Montereau-Fault-Yonne en Seine-et-Marne. Les trois secteurs forment des ensembles imbriqués et compacts dans l’agglomération parisienne : la banlieue nord, avec des ramifications jusqu’à Pontoise à l’ouest et Torcy à l’est ; le sud de Paris d’Ivry au secteur d’Évry avec des prolongements vers Saint-Georges-lès-Arpajon d’un côté et Melun de l’autre ; entre les deux, à l’est, l’axe Champigny-sur-Marne/Roissy-en-Brie. S’y ajoutent en grande couronne des villes emblématiques de la rénovation urbaine (Mantes-la-Jolie, Meaux ou Persan) ou structurant les espaces ruraux alentours (La Ferté-sous-Jouarre, Nangis, Nemours, Étampes).
Les espaces à dominante rurale et périurbaine sont situés majoritairement hors de l’agglomération centrale (secteurs 4 à 6 représentant 21 % des ménages). Ils se caractérisent par l’importance des ménages natifs, et notamment des professions intermédiaires, et a contrario par la faiblesse de la présence immigrée. Le profil social est d’autant plus modeste qu’on s’éloigne de Paris. Le secteur le plus aisé de cet ensemble (4) est situé de 20 à 30 km de Notre-Dame : plus d’un ménage sur quatre est cadre et autant exercent une profession intermédiaire. On y trouve des communes situées à l’ouest et au sud de Versailles, dans le secteur de Rambouillet, au nord de Saint-Germain-en-Laye sur les boucles de la Seine, ou encore, de façon plus dispersée dans un triangle formé, à l’est, par Maisons-Alfort, Chessy et Saint-Pierre-du-Perray près du plateau de Tigery. L’habitat y est un peu plus diversifié que dans les secteurs plus éloignés, ce qui permet l’accueil d’une population plus mixte : les maisons n’y constituent que la moitié des logements – 9 sur 10 dans le secteur le plus excentré (6) – et six ménages sur dix sont propriétaires (83 % dans le plus éloigné). Plus loin, la part des cadres est beaucoup plus faible (17 % à 18 %) au profit des classes intermédiaires et plus modestes. Dans le secteur le plus excentré, très rural, qui s’étend jusqu’aux limites administratives de la région, les natifs agriculteurs, artisans et ouvriers constituent 33 % des ménages, près de trois fois plus qu’en moyenne dans la région (13 %).
Enfin, un espace plus mixte présente des caractéristiques proches du profil moyen régional (secteur 7 regroupant 13 % des ménages). La structure de son parc de logement est assez proche des deux secteurs les plus pauvres, avec toutefois un peu moins de logements sociaux (31 %). Deux types de communes s’y rattachent : des communes centrales à l’interface des secteurs aisés et modestes du centre (Nanterre, Asnières, Clichy, 19e, 20e, Montreuil, l’ouest du Val-de-Marne, Créteil ou encore Alfortville) ; des communes dont le développement urbain est plus récent et le parc de logements très diversifié, qui forment pour la plupart un corridor s’étirant de Fontenay-sous-Bois à Bailly-Romainvilliers situé à Marne-la-Vallée, auxquelles s’ajoutent des communes de grande couronne comme Massy, Cergy ou encore Carrières-sous-Poissy.