Navettes domicile-travail : les cadres grands bénéficiaires du recentrage des emplois

Les Franciliens - Territoires et modes de vie   Sommaire

08 juillet 2021ContactSandrine Beaufils, Jérémy Courel

Entre 2007 et 2017, la métropolisation s’est poursuivie en Île-de-France, avec une progression des emplois plus rapide que celle des actifs, accompagnée d’une part croissante des emplois qualifiés en cœur d’agglomération. Les cadres, premiers bénéficiaires de ces évolutions, tant en termes de centralité de leur résidence que de leurs emplois, sont désormais les premiers utilisateurs des transports en commun. Pour les autres catégories socioprofessionnelles, l’allongement des distances domicile-travail pose la question de l’offre et de l’accès aux futurs aménagements de transport. 

Alors que les conséquences sur les modes de travailler et d’habiter engendrées par la crise sanitaire commencent à peine à se faire sentir et ne sont pas encore perceptibles dans les données publiques, cet état des lieux « pré-Covid » dresse le bilan de l’évolution des déplacements domicile-travail en Île-de-France au cours de la décennie 2007-2017, en lien avec celles des actifs et des emplois.
En 2017, l’Île-de-France compte plus de 5,4 millions d’actifs occupés pour 5,7 millions d’emplois. Quelque 80 000 Franciliens travaillent en dehors de la région et environ 370 000 provinciaux viennent y travailler, provenant majoritairement du Bassin parisien.
On compte ainsi 105 emplois pour 100 actifs occupés à l’échelle de la région, un léger excédent qui concerne toutes les catégories socioprofessionnelles. Avec la poursuite de la tertiarisation de l’économie et la progression de la qualification des actifs, les cadres sont toujours plus nombreux et représentent près de 31 % des actifs et 30,5 % des emplois. Les catégories « professions intermédiaires » et « employés » comptent chacune un peu plus d’un quart des actifs, la proportion est de 12,7 % pour les ouvriers 

Chiffres clés

10 km

Distance moyenne à vol d’oiseau entre le domicile et le lieu de travail pour les Franciliens travaillant en Île-de-France.

44 % 

Part des actifs utilisant les transports en commun pour rejoindre leur lieu de travail. C’est désormais le mode dominant devant la voiture.

50 %

Part des cadres utilisant les transports en commun pour aller travailler. Ils en sont les premiers utilisateurs.
 

 

Des emplois et des actifs toujours plus qualifiés en Île-de-France

La progression de l’emploi entre 2007 et 2017 (+16 000 par an) recouvre des évolutions très hétérogènes selon les catégories socioprofessionnelles : forte hausse des emplois de cadres (+ 24 000 par an) et recul des emplois occupés par les employés et les ouvriers (-7 000 emplois chacun par an). Les professions du commerce, de l’artisanat et des petites entreprises, un peu plus nombreuses (+4 900 par an), rassemblent de nouvelles formes d’emploi peu qualifié. Un glissement s’opère de plus en plus du salariat vers des statuts moins protégés d’autoentrepreneurs ou petits indépendants. 
Les emplois de cadres ont davantage progressé dans les territoires où ils étaient déjà très présents (Paris, Paris Ouest La Défense ou Grand Paris Seine Ouest), mais aussi au sein de territoires traditionnellement plus ouvriers (Plaine Commune, Boucle Nord de Seine, Grand-Orly Seine Bièvre et Est Ensemble). La corrélation entre l’évolution des emplois de cadres et des emplois totaux est globalement forte, exceptée dans quelques territoires où les emplois de cadres ont augmenté alors que les emplois totaux diminuaient (Versailles Grand Parc, Grand Paris Seine & Oise ou Melun Val de Seine).

On retrouve ce schéma d’évolution pour les actifs occupés. L’Île-de-France a gagné, en moyenne, 12 000 actifs ayant un emploi par an entre 2007 et 2017. Cette hausse recouvre une augmentation annuelle de 22 000 cadres et des baisses de 7 500 employés et 7 200 ouvriers. En l’accentuant, ces évolutions reflètent la tendance nationale (cf. graphiques).

Des emplois plus polarisés en cœur d’agglomération

Après des années de desserrement spatial des emplois franciliens à la fin du siècle dernier, la tendance s’inverse dans les années 2000 avec l’entrée de l’Île-de-France dans l’ère de la globalisation. L’emploi, notamment tertiaire, tend à se concentrer, dans les territoires du cœur d’agglomération. Paris, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis centralisent, en effet, l’essentiel de la croissance de l’emploi entre 2007 et 2017 (+14 600 emplois par an), soit plus de 90 % de la hausse régionale (+16 000). 

Le même processus est à l’œuvre pour les actifs. La dynamique démographique s’est en effet recentrée, avec plus de la moitié des habitants supplémentaires accueillie à moins de 20 km de Notre-Dame. Les départements de proche couronne ont bénéficié d’un rebond de la construction. Ils ont ainsi capté 60 % de l’augmentation annuelle du nombre d’actifs (+7 500 actifs). 
Si l’indice de concentration de l’emploi* (c’est-à-dire le nombre d’emplois pour un actif occupé) est resté stable en Île-de-France avec 1,05 emploi pour un actif occupé en 2007, comme en 2017, cet indicateur a eu tendance à progresser au cœur de l’agglomération et à rester plus faible en grande couronne. À Paris et dans les Hauts-de-Seine, les emplois disponibles sont nettement supérieurs aux actifs occupés résidant dans ces départements (respectivement 1,68 et 1,27 en 2017). En Seine-Saint-Denis, département aux fortes mutations sociales et économiques, et où de nombreuses institutions et entreprises se sont installées au cours de la décennie (siège de la Région Île-de-France, Agence régionale de santé, SFR, etc.), l’indice de concentration de l’emploi progresse aussi et atteint 0,90 en 2017. En grande couronne, les taux d’emploi se situent entre 0,74 en Seine-et-Marne et 0,84 dans les Yvelines. Ces désajustements entre la géographie de l’emploi et celle des actifs, doublés de profils sociaux et d’emplois différents, génèrent des déplacements quotidiens nombreux pour se rendre sur le lieu de travail (navettes).

La centralité des emplois bénéficie aux cadres

Si près de 40 % de l’ensemble des actifs occupés franciliens se localisent à moins de 10 km du centre de Paris et 30 % de 10 à 20 km, cette répartition n’est pas homogène selon les catégories socioprofessionnelles. La polarisation des emplois en cœur d’agglomération bénéficie avant tout aux cadres. En effet, ces derniers, catégorie désormais la plus nombreuse en Île-de-France, se localisent pour plus de la moitié (53 %) à moins de 10 km du centre de Paris. Tous les établissements publics territoriaux limitrophes à Paris bénéficient de leur progression, y compris en Seine-Saint-Denis. A contrario, la situation des artisans, commerçants et chefs d’entreprise, des professions intermédiaires et des employés, est proche de la moyenne régionale, avec respectivement 41 %, 36 % et 35 % des actifs occupés à moins de 10 km du centre. Les ouvriers (29 %) sont les plus éloignés. Depuis 2007, seuls les cadres sont proportionnellement plus nombreux à résider à moins de 10 km de Paris.   Le coût du logement rend en effet difficile le maintien des catégories modestes au cœur de l’agglomération, comme en témoignent les phénomènes de transformation et de valorisation de quartiers initialement modestes aux portes de Paris. 
De façon symétrique, la polarisation des emplois concerne aussi, et avant tout, les plus qualifiés. Si 54 % des emplois occupés par les Franciliens se situent dans un périmètre de 10 km autour de Notre-Dame (+1,2 point de plus qu’en 2007), cette concentration est encore plus marquée pour les emplois de cadres (65,5 %) et progresse plus vite encore (+1,8 point par rapport à 2007). 

Allongement des distances domicile-travail pour les actifs franciliens, à l’exception des cadres

La portée, ou distance moyenne à vol d’oiseau parcourue par un actif francilien pour se rendre à son travail dans la région, est de 10 km en 2017, en légère hausse par rapport à 2007 (9,7 km). Cette portée, très sensible à la localisation géographique des actifs, est plus forte en grande couronne. Elle varie de 5,2 km pour les Parisiens à 18,3 km pour les Seine-et-Marnais. En revanche, en termes de temps de déplacement, les écarts sont beaucoup plus resserrés : ils étaient de 38 min en moyenne pour un déplacement domicile-travail d’un Parisien, contre 43 min pour un résident de Seine-et-Marne en 2010. En effet, les modes utilisés, les conditions de déplacement, et donc la vitesse moyenne, sont très différents selon la zone géographique où s’effectue le déplacement.

Depuis 2010, les distances ont très peu évolué dans les départements où l’emploi a significativement augmenté (Paris, Seine-Saint-Denis et Hauts-de-Seine). L’allongement des portées de déplacement est plus sensible en grande couronne, et notamment pour les actifs de Seine-et-Marne et des Yvelines. 

Les différences entre catégories socioprofessionnelles sont moins marquées qu’entre lieux de résidence. En 2017, les ouvriers (10,8 km), les professions intermédiaires (10,6 km) et les cadres (10,4 km) résident toutefois sensiblement plus loin de leur lieu de travail que les employés (9,2 km) et, surtout, les artisans, commerçants, chefs de petites entreprises (6,9 km). Depuis dix ans, la portée moyenne des déplacements s’est légèrement accrue (+0,3 km), principalement pour les ouvriers (+0,9 km) et, dans une moindre mesure, pour les employés (+0,5 km). Celle des cadres n’a pas varié. 

Par ailleurs, si, au sein de chaque département, les cadres parcourent toujours des distances plus longues pour rejoindre leur emploi, leur surreprésentation en cœur d’agglomération, notamment à Paris et dans les Hauts-de-Seine, joue en sens inverse. La portée moyenne de leurs déplacements domicile-travail est désormais proche de celle de l’ensemble des actifs.

À l’échelle infrarégionale, les portées moyennes des déplacements des actifs selon leur lieu de résidence dessinent une géographie concentrique : elles augmentent graduellement en s’éloignant de Paris (carte 2017). Ainsi, les actifs de la Métropole du Grand Paris « parcourent » les distances les plus faibles pour rejoindre leur emploi. Cette distance a stagné, voire baissé, notamment dans les établissements publics territoriaux (EPT), où les cadres sont surreprésentés, comme à Paris, Paris Ouest La Défense ou Grand Paris Seine Ouest. À l’inverse, dans les intercommunalités les plus éloignées de Paris, les actifs parcourent les distances les plus longues et ces distances se sont accrues au cours des dix dernières années. 
Un croisement avec les catégories socioprofessionnelles montre que les portées de déplacement des cadres et des professions intermédiaires résidant à Paris ou en proche couronne, se sont réduites. C’est aussi le cas pour les cadres essonniens. À l’opposé, celles des employés et des ouvriers s’allongent quel que soit leur lieu de résidence, surtout en grande couronne. 
Les transformations de l’appareil productif francilien profitent ainsi nettement aux professions les plus qualifiées, mais aussi aux métiers non salariés qui ressortent de l’économie présentielle. Les actifs cadres, les commerçants et les artisans sont les seuls à progresser dans la capitale, où l’on observe, comme en proche couronne, une relocalisation de l’emploi. 

Une autre géographie se dessine si l’analyse porte sur les distances parcourues selon le lieu de travail des actifs. Dans ce cas, une distance moyenne parcourue faible est signe d’une aire d’influence plutôt locale d’une zone d’emploi. C’est le cas des intercommunalités situées entre Cergy-Pontoise, Roissy Pays de France et la Métropole du Grand Paris. Les actifs qui s’y rendent parcourent les distances les plus faibles. On trouve parmi ces intercommunalités : Plaine Vallée, Val Parisis, Vallée de l’Oise et des 3 forêts, Carnelle Pays-de-France ou le Haut Val-d’Oise. 
Les actifs travaillant en Seine-et-Marne, aux limites de l’agglomération parisienne (Val d’Europe, Val Briard, Brie Nangissienne, L’Orée de la Brie à l’est et Melun Val de Seine, Pays de Fontainebleau, et Pays de Nemours au sud) parcourent, eux, des distances supérieures aux autres. Mais dans l’ensemble, les situations entre les intercommunalités sont assez semblables.

Les cadres, premiers utilisateurs des transports en commun grâce à la centralité de leurs lieux de résidence et d’emploi

En 2017, comme en 2007, 85 % des actifs franciliens utilisent les transports en commun ou leur voiture pour rejoindre leur lieu de travail. Toutefois, les transports en commun sont devenus le principal mode de déplacement cité par les actifs (44 % contre 41 % pour la voiture). C’était le contraire en 2007, où la voiture représentait le mode dominant (43 % contre 41 % pour les transports en commun). L’utilisation des transports en commun est très forte à Paris (65 %), du fait de la densité du réseau, tandis qu’elle se réduit en s’éloignant du cœur d’agglomération : 49 % des actifs y ont recours en proche couronne et 31 % en grande couronne. La progression de leur utilisation s’observe dans tous les départements, mais surtout en proche couronne (+4 points entre 2007 et 2017), conséquence notamment du développement de lignes de tramway et du prolongement du métro sur ce territoire. Cette croissance de l’usage des transports en commun pourrait être aussi liée à une prise de conscience écologique et à une transition vers des modes plus sobres, devenus une alternative plus attractive du fait de la congestion. Cette progression correspond très probablement à un strict report modal depuis la voiture puisque l’utilisation de cette dernière a baissé dans des proportions similaires.
L’arbitrage entre voiture et transports publics pour aller travailler reste principalement déterminé par le lieu de travail : 70 % des actifs travaillant à Paris s’y rendent en transports en commun et seulement 15 % en voiture. Pour les actifs dont le lieu de travail se trouve en grande couronne, c’est strictement l’inverse : 18 % vont travailler en transports en commun et près de 70 % en voiture. En petite couronne, la situation est plus contrastée : dans les Hauts-de-Seine, qui bénéficient d’une desserte en transports en commun très dense, notamment sur les grands pôles d’emploi, la moitié des actifs vient y travailler en transports en commun, contre un tiers en voiture. C’est l’inverse dans le Val-de-Marne. Pour les actifs travaillant en Seine-Saint-Denis, les usages sont plus équilibrés entre la voiture (45 %) et les transports publics (42 %). 

Les cadres, dont les lieux de résidence comme d’emploi sont surreprésentés à Paris et en proche couronne, donc mieux desservis par les transports publics, utilisent désormais ce mode davantage que les autres actifs. La moitié d’entre eux y a recours pour ses déplacements professionnels. C’est à peine plus que les employés (48 %), mais davantage que les professions intermédiaires (42 %) et les ouvriers (39 %), plus nombreux à vivre et à travailler en grande couronne. La part des cadres utilisant les transports en commun a augmenté de 5 points, contre seulement 3 points pour l’ensemble des actifs. Ils sont de moins en moins nombreux à utiliser leur voiture pour aller travailler (35 % en 2017, soit -7 points entre 2007 et 2017). A contrario, les localisations plus excentrées des ouvriers nécessitent un recours plus fréquent à la voiture particulière, mais il n’a pas progressé depuis 2007. 
Les choix modaux sont également marqués selon le genre : les hommes utilisent plus fréquemment les modes motorisés individuels (voiture et deux-roues motorisés), les femmes, les transports collectifs et la marche. Ainsi, 45 % des hommes vont travailler en voiture contre 36 % des femmes, alors qu’elles sont 49 % à se rendre sur leur lieu de travail en transports en commun contre 39 % pour ceux-ci. Ces différences sont accentuées par la géographie : plus on s’éloigne de Paris, plus l’écart homme-femme s’accroît sur l’usage des transports collectifs, alors qu’inversement, c’est à Paris que cet écart est maximal pour la voiture. Ainsi, parmi les Parisiens, les rares usagers de la voiture sont quasiment tous des hommes (18 % contre 4 %), alors que les usagers des transports en commun en grande couronne sont nettement plus souvent des femmes (40 %) que des hommes (25 %).

Vers un développement plus inclusif ?

Face à ces évolutions, un des défis de l’Île-de-France consistera à veiller à ce que l’investissement massif de 35 milliards d’euros dans les transports en commun du Grand Paris Express profite aux employés et ouvriers, et pas seulement aux classes les plus aisées. Pour cela, les territoires devront veiller à maintenir une diversité d’offre de logements afin d’éviter que l’inflation du marché immobilier éloigne les actifs les plus modestes du cœur d’agglomération. 
D’autre part, compte tenu de l’usage encore dominant des modes de transport « carbonés » par les actifs peu qualifiés, un accompagnement des politiques publiques vers des modes plus sobres sera indispensable pour rendre la nécessaire transition énergétique socialement acceptable.

Cet état des lieux à partir du recensement de la population de 2017 (compilation des collectes 2015 à 2019) ne tient pas compte des conséquences de la crise sanitaire sur nos modes d’habiter, de travailler et de se déplacer. À moyen terme, elles pourraient modifier la donne et rendre les disjonctions entre lieux d’habitat et lieux de travail plus facile à gérer. 

Sandrine Beaufils

Démographe de formation, Sandrine est chargée d’études au sein du département Habitat et Société de L’Institut Paris Région. Elle réalise des analyses spatiales et régionales des dynamiques de population et participe à la gestion des bases de données de population. Elle a participé à la coordination de l’Atlas des Franciliens de 2013 et réalisé plusieurs études autour de sujets comme les liens entre migrations de travail et migrations résidentielles ou les navettes domicile-travail des Franciliens et de leurs évolutions. Ses travaux récents portent sur la mobilité des habitants dans les quartiers en politique de la ville et sur les enjeux croisés du logement et de l’emploi des actifs essentiels du quotidien en lien avec la crise sanitaire.

Jérémy Courel

Économiste et économètre, Jérémy Courel a été formé au Centre d’Économie de la Sorbonne de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Après 6 années passées au Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) principalement dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques il a rejoint L’Institut en 2003. Il y prend en charge les analyses de la mobilité réalisées à partir d’enquêtes et de toute source permettant d’observer les comportements de mobilité. Il apporte son expertise aux différents travaux de planification urbaine conduits par L’Institut et a participé à plusieurs études internationales sur l’évolution des comportements de mobilité. Il a enseigné les statistiques à l’université Paris VII Denis-Diderot pendant 15 ans et coanime un module de cours sur la mobilité pour l’université de Cergy-Pontoise.

Travailler en Île-de-France sans y résider : des profils différents selon le lieu de résidence

En 2017, 370 000 actifs occupent un emploi en Île-de-France sans y résider. Ces actifs occupent 6,5 % des emplois franciliens. Près de 60 % résident dans l’un des huit départements limitrophes (la troisième couronne), 40 % au-delà. Le nombre de personnes effectuant des migrations pendulaires à destination de l’Île-de-France a progressé de 5 000 par an depuis 2007, réparti pour moitié entre une progression dans la troisième couronne et pour moitié dans le reste de la France. 
Les actifs de troisième couronne résident le plus souvent aux marges de l’Île-de-France, ce qui témoigne d’installations davantage motivées par des stratégies résidentielles : les trois quarts sont propriétaires et huit sur dix vivent en maison individuelle (cf. article « L’attractivité des franges de l’Île-de-France se confirme »). Les employés et les ouvriers sont surreprésentés (45 % des actifs). Ils tirent parti d’un marché immobilier plus abordable qu’en Île-de-France. 
Les actifs qui résident dans les autres départements de province sont plus souvent cadres (41 % contre 21 %) et diplômés. Les professions très qualifiées sont surreprésentées : cadres administratifs et commerciaux d’entreprise, ingénieurs et cadres techniques d’entreprise, mais aussi des professions qui ne nécessitent pas des navettes quotidiennes comme le personnel navigant ou les enseignants de l’enseignement supérieur.
Les lieux de travail en Île-de-France et les modes de transport utilisés varient nettement selon les lieux de résidence. Les actifs de troisième couronne travaillent plus fréquemment en grande couronne (54 % contre 25 %) et utilisent majoritairement leur voiture pour se déplacer (68 % contre 49 %). Ceux qui vivent plus loin, travaillent plus souvent à Paris et rejoignent généralement la région-capitale en transport en commun (45 % contre 31 %).
En troisième couronne, les agglomérations qui accueillent le plus d’actifs travaillant en Île-de-France sont toutes desservies par le train : Creil (13 700 actifs), Chantilly (8 200 actifs), Dreux (4 800 actifs), Orléans (4 600 actifs) et Chartres (4 300 actifs). Les autres agglomérations comptabilisent moins de 4 000 navetteurs chacune à destination de l’Île-de-France. Au cours des dix dernières années (2007-2017), les navetteurs ont davantage progressé dans les communes non agglomérées que dans les principales villes de ces départements.
Les actifs en provenance du reste de la province résident plus fréquemment dans des grandes villes. Le département du Nord (10 800 actifs), avec l’agglomération de Lille (5 500 actifs) et celle de Douai-Lens (2 000 actifs), accueille le plus grand nombre de navetteurs à destination de l’Île-de-France, suivi de la Seine-Maritime (9 900 actifs, dont 5 400 actifs dans l’agglomération de Rouen). Ce sont ensuite les départements comprenant les agglomérations les plus peuplées qui envoient les volumes d’actifs les plus conséquents en Île-de-France : le Rhône, 6 700 actifs dont 6 200 de Lyon ; la Gironde, 6 300 actifs dont 4 300 de Bordeaux ; et les Bouches-du-Rhône, 5 500 actifs dont 4 100 avec Marseille-Aix-en-Provence. Les progressions les plus marquées de navetteurs coïncident avec les agglomérations les plus peuplées et les mieux desservies par le train à grande vitesse : Lyon (+200 actifs par an au cours des dix dernières années), Bordeaux (+160), Lille (+100), Nantes et Marseille-Aix-en-Provence (+77 chacune), Rennes (+64). Ces progressions restent toutefois modérées comparativement au volume d’emploi francilien. 

Méthode et définitions

L'Indice de concentration de l’emploi correspond au ratio entre les emplois et les actifs occupant un emploi.

La portée correspond à la distance à vol d’oiseau entre les centres de communes des lieux de résidence et de travail. Afin d’avoir des distances comparables aux deux recensements, les actifs résidant en 2007 dans une commune ayant fusionné ont été relocalisés dans la commune nouvelle de 2017.

Références et compléments bibliographiques

• Beaufils Sandrine, Bouleau Mireille, Courel Jérémy, Davy Anne-Claire, Leroi Pascale, Pauquet Philippe, Sagot Mariette, Trouillard Emmanuel, Logement et emploi dans la Métropole du Grand Paris. Contribution au diagnostic du programme métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), IAU îdF, septembre 2018.
• Beaufils Sandrine, Courel Jérémy, « Un actif sur deux travaille à proximité de chez lui », Note rapide, n° 600, juillet 2012.
• Courel Jérémy, Deguitre Lucien, Les déterminants du choix modal. Synthèse des connaissances scientifiques, L’Institut Paris Region, février 2020.
• « La vie mobile. Se déplacer demain en Île-de-France », Les Cahiers, n°175, IAU îdF, septembre 2018.