Le développement des data centers en Île-de-France

Éléments pour une stratégie régionale et territoriale

25 septembre 2023ContactCécile Diguet, Maximilian Gawlik, Nicolas Laruelle

Les data centers sont devenus une infrastructure consubstantielle aux usages numériques depuis une quinzaine d’années, portée notamment par l’explosion de la virtualisation (clouds, plateformes). Pourtant, ils restent des objets quasi invisibles pour le grand public, et relativement opaques aux yeux des acteurs publics. En Île-de-France, comme dans d’autres métropoles européennes et du monde, les centres de données deviennent aujourd’hui un objet de politiques publiques et de débat local, en lien avec la prise de conscience des impacts environnementaux du numérique, et de la nécessaire trajectoire à emprunter vers la sobriété.

Le développement spectaculaire du marché des data centers que l’on peut observer depuis le début des années 2000 est le résultat de la numérisation de l’ensemble des activités humaines (économie, administration, santé, éducation, culture, loisirs…). Dans le monde entier, le nombre des data centers augmente en continu. La région Île-de-France constitue un territoire attractif pour l’accueil des data centers en France et l’un des plus attractifs d’Europe. Au cours des deux dernières décennies, le développement des data centers s’y est accéléré pour atteindre un nombre total de plus de 160 data centers en 2023.

 

Il existe, en Île-de-France, une grande variété de territoires d’accueil, de formes, âges et types de data centers. Source : L’Institut Paris Region, 2023.

 

La présente étude permet de mieux connaître ces infrastructures, récentes dans l’histoire de l’urbanisme et de la région francilienne. En analysant le parc des data centers existants, L’Institut fait le constat d’un certain nombre de caractéristiques techniques, bâtimentaires, sécuritaires et programmatiques communes entre les data centers, d’autres les distinguant avec comme résultat une grande diversité de tailles, de formes, de fonctions, de techniques et de modalités d’exploitation. Afin de mieux comprendre leurs modalités d’implantation et les impacts spatiaux qui en résultent, une typologie basée sur des critères exclusivement spatiaux est proposée dans la partie 2 de cet ouvrage. Ainsi, cinq types de data centers (« Data center infiltré », « Data center reconverti en Zone d’activités », « Data center neuf et optimisé », « Data center reconverti et extensible » et « Data center neuf aux franges métropolitaines ») ont été identifiés. Ils sont illustrés par des exemples concrets.

 

Exemple d’une fiche type du « Data center neuf et optimisé » qui fait partie des 5 types de data centers identifiés par L’Institut Paris Region dans ce rapport.

 

Selon nos observations des tendances de développement actuelles, le marché des data centers tend à s’accélérer avec le risque même de s’envoler dans les prochaines années, ce qui est confirmé par les projections de l’ADEME et de l’ARCEP, ainsi que la connaissance des projets à venir par les opérateurs électriques et la MRAe d’Île-de-France. Certains types de data centers se développent plus fortement que d’autres et dans les années à venir, la croissance devrait se poursuivre dans certains territoires de l’Île-de-France et se ralentir dans d’autres. Ainsi les demandes vont probablement augmenter, en nombre mais surtout en puissance électrique installée et en superficie d’emprise au sol, dans les territoires où existent des contextes politiques locaux favorables et de grands lots disponibles dans de nouveaux sites d’activités économiques susceptibles d’accueillir le modèle émergent des « cloud data centers » de grande dimension opérés notamment par Amazon, Microsoft et Google. Les demandes vont sans doute aussi continuer là où le potentiel d’urbanisation n’est pas encore atteint et dans les parcs d’entreprises vieillissants et/ ou bâtiments et terrains en friche. Finalement, sont aussi concernés les territoires où les documents locaux d’urbanisme permettent de telles installations et où il n’existe pas de freins particuliers en termes de disponibilité électrique ou de réseau Internet. A contrario, la croissance devrait se ralentir, là où les territoires denses et en pleine transformation urbaine font face à une pression foncière de plus en plus grande et où il y a besoin de réduire les nuisances et/ou coupures urbaines pour la population en même temps que d’y améliorer le cadre de vie (en créant des espaces verts, des équipements publics, etc.). Cette décélération concernerait aussi les secteurs où il y a une réticence et/ou une mobilisation locale contre l’artificialisation des sols ou en faveur d’un projet alternatif en milieu plus dense et dans les secteurs de tension locale sur les réseaux de distribution et de transmission d’électricité.

 

La croissance du marché des data centers en Île-de-France pourrait avoir un impact considérable sur la consommation électrique et sur la robustesse du réseau électrique, dans un contexte d’augmentation des besoins, liée notamment à l’électrification des mobilités, et d’incertitude sur les capacités de production. Elle aura aussi des répercussions sur le foncier francilien (pression foncière sur des terres déjà urbanisées) et les dynamiques d’extension urbaine et d’artificialisation des terres agricoles, voire forestières, et plus largement sur les ressources naturelles (y compris sur l’eau et les matériaux). L’impact global des risques, pollutions et nuisances produites par les data centers sur la santé humaine reste à étudier (le bruit par exemple), mais certains aspects en sont déjà bien connus, comme le risque d’incendie ou la contribution à la surchauffe des villes (chaleur fatale libérée dans l’environnement et effet d’îlots de chaleur urbains). La prise en compte de ces sujets n’est donc pas uniquement nécessaire pour les nouveaux projets, mais concerne également le parc existant de data centers.

Dans cette étude sont esquissés des enjeux thématiques qui permettent aux acteurs publics de mieux appréhender ces problématiques liées à cette croissance des data centers. Il s’agit des enjeux suivants :

  1. Sobriété foncière et préservation de la pleine terre ;
  2.  Intégration urbaine ;
  3. Prévention des risques, pollutions et nuisances ;
  4. Gestion durable de l’énergie ;
  5. Gestion durable des autres ressources.

Parfois, des solutions (techniques, spatiales, bâtimentaires…) existent déjà, ici et ailleurs, mais elles restent souvent méconnues en raison d’un manque de partage de connaissance. Dans d’autres cas, de nouvelles manières de faire seront encore à inventer. La prise en compte de ces problématiques et de leur impact est une première étape, permettant, demain, aux acteurs publics et privés de trouver des réponse adaptées à chaque territoire. Il ne faut pas oublier que les moyens financiers des acteurs des data centers et leur appétit pour l’innovation sont plus importants que ceux d’autres activités. Ne devront-ils pas devenir un levier pour concevoir des projets phares en termes de sobriété et efficacité énergétiques et en eau et matériaux, mais aussi en ce qui concerne la qualité architecturale et l’intégration urbaine et paysagère ?

La partie 4 de la présente étude offre une liste de propositions précises, calquées sur les critères et enjeux cités précédemment dans les autres parties du rapport. Ces propositions visent à accompagner les collectivités publiques dans l’accueil des data centers en Île-de-France, en veillant à maximiser les retombées positives de leur développement et à en minimiser les impacts négatifs. Cela concerne de nouvelles installations et le parc existant, où beaucoup d’améliorations sur l’intégration paysagère et urbaine et sur la qualité architecturale peuvent encore être faites.

Nos propositions ont vocation à être discutées en premier lieu avec les acteurs publics et parapublics identifiés pour constituer le premier noyau du « collectif des acteurs publics et parapublics des data centers en Île-de-France », qui est l’une de nos principales recommandations. La partie 4 de ce rapport comprend également une première contribution à l’élaboration d’une grille partagée d’analyse des projets de data centers entre les acteurs publics et parapublics en Île-de-France et qui inclut l’accent sur les cadres réglementaires existants, les procédures environnementales, les outils possibles d’encadrement… Tous ces éléments visent à orienter la construction collective d’une stratégie d’intégration optimale des data centers dans les différents territoires franciliens.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement et territoires | Aménagement | Paysage | Périurbain | Économie | Économie numérique



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