Les polices municipales des plus grandes villes de France
En France, depuis le début des années 1980, les polices municipales sont progressivement montées en puissance. En dépit d’une géographie contrastée, elles s’imposent désormais comme des acteurs incontournables de la sécurité publique, en particulier dans les aires urbaines et leurs villes-centres. Parmi les 125 communes de France de plus de 50 000 habitants, 95,2 % en sont aujourd’hui dotées.
Cette étude propose un éclairage sur la réalité plurielle des polices municipales dans les plus grandes villes de France. Après en avoir dégagé une vue statistique à partir des données émises par le ministère de l’Intérieur, elle dresse un panorama factuel de celles des dix communes les plus peuplées après Paris, soit Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Montpellier, Strasbourg, Bordeaux, Lille et Rennes. À travers la description des moyens, des orientations et des modes d’organisation, l’objectif est de donner à voir le rôle croissant de ces polices municipales, les points de convergence et la diversité des modèles existants.
Sur le plan des moyens humains et matériels, la tendance est au renforcement global des effectifs et du niveau d’équipement malgré la persistance d’importantes disparités. Sur le plan des missions, les responsables des polices municipales font valoir un positionnement commun sur le registre de la sécurité quotidienne et de la proximité. Au fondement de leur discours de légitimation, ces notions fédératrices donnent cependant lieu à des déclinaisons plurielles. Les doctrines d’emploi restent très variables selon les communes, conditionnées par les spécificités territoriales et par les choix politiques. Des différences apparaissent dans les priorités d’action, les plages horaires couvertes, le type d’armement, l’organisation interne, les modes d’intervention et de coopération avec la police nationale. Ces différences interrogent le rôle propre des polices municipales, la spécificité des missions assumées dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « coproduction de la sécurité ».
Quant à Paris, c’est un cas particulier sur lequel ouvre la dernière partie de l’étude. En matière de sécurité, la capitale est régie par un statut spécifique qui limite les pouvoirs de police du maire et consacre le rôle prédominant de la préfecture de police. À la faveur des changements juridiques, la donne évolue néanmoins et la ville de Paris intensifie son action en matière de tranquillité et de lutte contre les incivilités.
Suite à l’annonce faite début 2019 par la maire actuelle, un projet de police municipale à proprement parler a été envisagé. À ce stade, plusieurs incertitudes subsistent quant à savoir quels en seront précisément les contours et quelles inflexions il pourrait connaître à l’issue des élections de 2020. Quoiqu’il en soit, le projet initié témoigne de la banalisation des polices municipales dans les villes françaises et montre que les lignes bougent sensiblement dans ce champ d’action souvent considéré comme typiquement étatique.
En réponse aux préoccupations sécuritaires, dans un contexte de crise des finances publiques, les pouvoirs locaux sont donc mis à contribution. De façon plus ou moins volontariste ou contrainte, ils sont appelés à s’impliquer davantage sur le terrain de la sécurité, ce qui se manifeste à travers le développement des polices municipales. Une question importante continue toutefois de se poser, celle de la doctrine d’emploi ou, plus précisément, de l’absence de doctrine d’emploi commune. Même si, dans l’ensemble, les polices municipales s’acheminent vers un modèle plus interventionniste et répressif, l’hétérogénéité subsiste, et cela paraît pour partie justifié si l’on considère que ce sont des polices locales censées s’adapter aux réalités de chaque territoire.
Ceci étant, il y a aussi quelques principes généraux à défendre pour mieux baliser le rôle des polices municipales dans le dispositif de sécurité. Ces principes sont ceux d’une police véritablement intégrée, au service de la collectivité, qui travaille son ancrage dans le territoire, son insertion partenariale et ses liens avec les publics dans leur diversité. La place des polices municipales et les modalités de coopération avec les forces de l’État sont à définir en ce sens, dans le respect de la vocation propre de chacun, dans une démarche de complémentarité réelle, non pas de substitution ni de subordination.
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