Panorama régional de la vulnérabilité énergétique

13 février 2025ContactLucile Mettetal, Franziska Barnhusen, Sandrine Beaufils

La crise énergétique pousse à la hausse les dépenses pour le logement et les déplacements. Si tous les habitants sont concernés, les dépenses varient sensiblement selon la qualité thermique du logement, la distance et le mode de déplacement pour se rendre au travail ou pour d’autres motifs ; et ces dépenses sont plus ou moins supportables selon le niveau de revenu du ménage.
Face à l'augmentation du phénomène de vulnérabilité énergétique, l'Institut a effectué une série d’analyses destinées à mieux cerner les territoires et les ménages concernés. Elles s’appuient sur la base Enerter du bureau d’études Energies Demain, qui reconstitue les consommations énergétiques des logements et de la mobilité des personnes, à l’aide des données publiques descriptives de l’INSEE. Ces données sont ensuite mises en regard avec les revenus des habitants, afin de repérer les situations de fragilité et d’en mesurer l’ampleur. Elles reflètent les coûts de l'énergie pour l'année de référence 2023, tenant ainsi compte des augmentations conséquentes subies par les ménages dans le contexte de la crise énergétique de 2022.
Ce panorama de la vulnérabilité énergétique se décline en quatre volets : un premier sur la précarité énergétique liée aux consommations dans le logement ; un deuxième sur la vulnérabilité énergétique liée à la dépense en carburant ; un troisième sur les situations de double vulnérabilité afin de repérer les ménages très contraints ; et un dernier volet sur la performance du parc, la perception du confort et les travaux des ménages, réalisé en partie grâce aux données du baromètre des Franciliens.

Ce panorama est réalisé à partir des données
produites par l'agence Énergies Demain
et traitées par L'Institut Paris Region.

Logement et précarité énergétique

La mauvaise qualité thermique des logements, l’inefficacité des modes de chauffage et les ressources des occupants, sont à l’origine des situations de précarité énergétique. L’un des principaux indicateurs de la précarité énergétique définis par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) est basé sur le taux d’effort énergétique (TEE). Il représente la part du revenu disponible des ménages consacrée aux dépenses pour l’énergie dans le logement. Il s’agit des dépenses liées au chauffage, à l’eau chaude, à la cuisson et à l’électricité spécifique (éclairage, électroménager, multimédia).  Les ménages en précarité énergétique sont ceux dont le TEE dépasse 8 % (deux fois le TEE médian en Île-de-France) et qui appartiennent aux 30 % des ménages les plus modestes (trois premiers déciles de revenu).
En Île-de-France, le nombre de ménages ayant un taux d’effort supérieur à 8 % est de 1 260 000, ce qui représente 25 % des ménages franciliens. Parmi eux, 870 000 appartiennent aux trois premiers déciles de revenu et sont considérés comme étant en situation de précarité énergétique (17 % des ménages) : 205 000 en maisons individuelles (15 % des ménages vivant en maison individuelle), et 664 000 en immeuble collectif (18 % des ménages vivant en immeuble collectif).
On retiendra que la méthode « objective », liée à la part des charges énergétiques dans le budget des ménages ne permet pas d’appréhender le phénomène dans sa globalité quand la précarité s’apprécie également au regard des situations de restrictions et d’inconfort thermique. D’autres symptômes de la précarité énergétique existent, en particulier celui du « froid ressenti », mais cet indicateur n’est pas disponible à l’échelle des intercommunalités.

Mobilité automobile et vulnérabilité énergétique

Les Franciliens n’ont pas tous la possibilité de choisir leur mode de déplacement et l’usage de la voiture est un facteur de vulnérabilité, lié notamment au prix des carburants. Aux trajets domicile-travail ou domicile-études, indiscutablement non négociables, s’ajoutent l’ensemble des déplacements quotidiens, difficilement compressibles pour les habitants des territoires périurbains et ruraux. Les ménages sont considérés comme étant en situation de vulnérabilité énergétique dès lors que leurs dépenses en carburant sont supérieures à 4,5 % de leurs revenus. Comme pour le logement, les ménages des trois premiers déciles ont fait l’objet d’une analyse particulière.
En Île-de-France, le nombre de ménages ayant un taux d’effort carburant supérieur à 4,5 % est de 1 064 000, ce qui représente 21 % des ménages franciliens. Parmi eux, 395 000 appartiennent aux trois premiers déciles de revenus (8 % des ménages) : 123 000 en maisons individuelles (9 % des ménages vivant en maison individuelle), et 272 000 en immeuble collectif (7 % des ménages vivant en immeuble collectif).
Contrairement à la précarité énergétique lié au logement, ce ne sont pas les plus modestes qui sont les plus exposés à la hausse des prix des carburants. L’automobile est une dépense dont les ménages des premiers déciles ont tendance à se passer. En conséquence, ils sont plus souvent « immobiles » et favorisent très nettement la marche, des restrictions qui ont un fort impact sur leur vie sociale, leur accès à l’emploi ou encore l’éducation des enfants.

La double vulnérabilité énergétique

Abordée dans sa double dimension des usages domestiques et de la mobilité automobile, la double vulnérabilité énergétique met en lumière la notion de « coût résidentiel ». Cette approche éclaire notamment une population peu connue des guichets sociaux. En effet, loger en maison individuelle dans les espaces périurbains ou ruraux peut s’avérer difficile à assumer pour des ménages modestes, qui n’ont pas toujours évalué les dépenses inhérentes à leur localisation, ni celles d’une maison à chauffer. 

Pour caractériser cette double fragilité, ont été analysés les ménages dont les taux d’effort, liés à la consommation énergétique du logement et liés à la mobilité automobile, sont supérieurs respectivement à 8 % et à 4,5 %.  En Île-de-France, le nombre de ménages concernés est de 330 000 (6 %des ménages). Parmi eux, 220 000 appartiennent aux trois premiers déciles de revenus (4 % des ménages) : 90 000 en maison individuelle (6 % des ménages vivant en maison individuelle) et 130 000 en immeuble collectif (3 % des ménages vivant en immeuble collectif).

Pour ces ménages doublement vulnérables, fragilisés par une consommation énergétique difficilement compressible, les arbitrages et les restrictions peuvent être multiples : optimiser les déplacements, espacer les vacances ou y renoncer, baisser la température du logement ou se passer de chauffage, etc. Comprendre ces stratégies nous amène à révéler un nouveau risque social, étroitement lié au type d’habitat et à sa localisation.

Performance thermique, confort et travaux

En 2022, L’Institut Paris Region a réalisé une enquête auprès de 5 700 Franciliens pour mieux comprendre leurs comportements et leurs aspirations. Plusieurs questions portaient sur la qualité et les besoins de travaux des logements occupés par les répondants.

Confort thermique :
22 % des Franciliens indiquent souffrir du froid l’hiver et 23 % du chaud en été. Sont particulièrement touchés par le froid les habitants de la Seine-Saint-Denis (qui sont 26 % à être insatisfaits du confort de leur logement) et de la Seine-et-Marne (24 %), tandis que les parisiens se plaignent surtout de la surchauffe en été (27 %), mais dont souffrent également les Séquano-Dionysiens (25 %). On constate qu’avec la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne, deux des départements franciliens concentrant une population à faibles ressources sont surreprésentés en termes d’inconfort thermique. 

Le niveau de confort dans leur logement exprimé par les Franciliens varie aussi en fonction du statut d’occupation. Ainsi, seulement 16 % des propriétaires occupants interrogés indiquent souffrir du froid dans leur logement, tandis que cela est le cas pour 30 % des locataires du parc privé et 27 % des locataires du parc social. La tendance est la même pour le confort d’été dont seulement 17 % des propriétaires occupants sont insatisfaits contre 30 % des locataires du privé et 31 % des occupants d’un logement social. Les locataires, subissant le plus grand inconfort thermique, sont aussi ceux ayant le moins de leviers à leur disposition pour améliorer la performance thermique du logement qu’ils occupent. Il dépendant du propriétaire pour réaliser les travaux nécessaires. 

Travaux :
54 % des Franciliens, tous statuts d’occupation confondus, considèrent que des travaux de rénovation sont nécessaires dans leur logement. 11 % souhaiteraient faire des travaux d’adaptation à l’âge ou au handicap, 23 % estiment nécessaire de rénover le système de chauffage et 48 % souhaitent améliorer l’isolation du logement. La volonté d’améliorer l’isolation thermique de son logement est particulièrement importante à Paris (54 %) et dans les Hauts-de-Seine (52 %), deux territoires qui concentrent une part importante de bâti ancien. 

Chez les propriétaires, le coût des travaux est un frein pour 75 %, la charge mentale et le temps liés au montage et à la coordination des travaux pour 18 %. Chez les locataires privés, le refus du propriétaire de réaliser des travaux est un frein pour 45 %.

Performance énergétique des logements :
46,4 % des logements franciliens sont classés E, F ou G selon le Diagnostic de performance énergétique (DPE), soit 2,37 millions de logements. Parmi eux, 9 % sont classés G (463 000 logements) et 13,6 % sont classés F (693 000 logements).

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