Panorama régional de l'accessibilité
aux établissements d'enseignement supérieur

Septembre 2025

Dans le prolongement de ses travaux sur l'accessibilité aux équipements et services de proximité, L'Institut Paris Region a étendu ses analyses aux établissements et formations de l’enseignement supérieur, à la demande de la Région Île-de-France. La poursuite d’études peut en effet être considérée comme un enjeu de « justice spatiale », un diplôme garantissant de meilleures conditions d’insertion professionnelle. Le Schéma régional de l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation 2023-2028 retient justement parmi ses grandes orientations de faciliter l’accès à l’enseignement supérieur et la réussite des étudiants. À l’instar des établissements scolaires, on peut ainsi faire l’hypothèse qu’un temps de transport trop long, dans des conditions parfois pénibles, peut décourager la poursuite d’études y compris en Île-de-France, région pourtant dense et riche de nombreux établissements. Le coût d’un départ du domicile familial intervient également au moment de ce choix. 

Si l’Île-de-France concentre un nombre important et une grande diversité d’établissements et de formations, leur inégale répartition dans l’espace pourrait être à l’origine de renoncements ou d’abandons dans l’enseignement supérieur. Quelques données de cadrage sont présentées à ce sujet dans une première partie introductive.
La dimension spatiale de l’orientation est ensuite analysée à un échelon géographique très fin au moyen des bases de données développées par L’Institut Paris Region et de matrices de temps de transport calculées par Île-de-France Mobilités. Pour chaque maille habitée du territoire, un temps de trajet en direction des différents établissements a pu être mesuré en retenant comme moyens de transport, en premier lieu, les transports en commun, dont dépendent les trois quarts des étudiants franciliens et, en second lieu, la voiture. Par convention, le temps de trajet a été plafonné à une heure pour les déplacements réalisés en transports en commun et trente minutes pour ceux réalisés en voiture*. Les résultats sont détaillés selon le mode de transport et les différentes filières de formation.
La troisième partie tente de faire le lien entre l’accessibilité physique aux sites d’enseignement supérieur et le taux de scolarisation des jeunes Franciliens âgés de 18 à 24 ans.


* Données issues de l’enquête « Conditions de vie des étudiants » menée par l’Observatoire de la vie étudiante en 2020. Selon cette enquête, la moitié des étudiants résidant en grande couronne ont des trajets d’au plus une heure pour rejoindre leur site d’enseignement lorsqu’ils utilisent les transports en commun, et d’au plus 30 minutes lorsqu’ils utilisent une voiture. On estime qu’au-delà de ces deux seuils les temps de trajet pourraient occasionner des abandons en raison du temps consacré aux déplacements quotidiens pour les uns, et des dépenses inhérentes à l’usage d’une voiture pour les autres.

DONNÉES DE CADRAGE

Une forte concentration de l’offre d’enseignement supérieur en cœur d’agglomération

Les établissements d’enseignement supérieur comme les capacités d’accueil dans les formations supérieures apparaissent inégalement répartis sur le territoire régional, du fait d’une forte concentration en cœur d’agglomération. Cette répartition varie cependant selon la filière de formation comme le montre le graphique ci-contre. 

La base de données des établissements d’enseignement supérieur renseignée par L’Institut Paris Region, qui se fonde sur les informations publiées en open data par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, comptabilise au total près de 850 sites dans la région (cf. méthodologie).

 

36 % des établissements sont situés à Paris
32 % dans la métropole du Grand Paris
32 % en dehors de la métropole

Leur répartition géographique varie sensiblement selon la nature de ces établissements. Les écoles de commerce et les écoles d’art ressortent comme les plus concentrées à Paris qui rassemble respectivement 69 % et 66 % des sites répertoriés. Les implantations universitaires sont également les plus nombreuses dans la capitale (46 %). Au contraire, les écoles d’ingénieurs, les écoles sanitaires et sociales et surtout les établissements préparant au brevet de technicien supérieur, beaucoup plus nombreux, sont mieux distribués sur le territoire, en particulier hors métropole.
Au sein même de l’université, les grandes composantes apparaissent elles aussi diversement réparties sur le territoire. Ainsi, la capitale n’abrite que deux des dix-huit sites régionaux de préparation au bachelor universitaire de technologie.

Une concentration encore plus marquée des effectifs étudiants en cœur d’agglomération

La concentration de l’offre est encore plus marquée si l’on considère non plus le nombre de sites d’enseignement supérieur mais le nombre d’étudiants qu’ils accueillent. La part de Paris grimpe alors à près de la moitié de l’offre, tandis que celle des territoires situés en dehors de la métropole plafonne à 21 %. Écoles d’art et écoles de commerce demeurent très parisiennes, au contraire des écoles d’ingénieurs mieux représentées sur le reste du territoire.

En ce qui concerne les universités, de forts écarts caractérisent les grandes composantes. Si la très grande majorité des étudiants poursuivant des études en institut universitaire de technologie étudient hors Paris, le phénomène inverse s’observe pour les étudiants en médecine, très peu représentés hors métropole puisqu’une seule faculté y est présente, à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Des lieux de résidence des étudiants nettement plus éparpillés

Le recensement de la population réalisé par l’Insee constitue la seule source de données permettant d’évaluer la répartition géographique des lieux où résident les étudiants franciliens. Sur cette base, le contraste avec la concentration des lieux d’études est frappant :  les territoires situés hors métropole accueillent, selon cette source, 34 % des étudiants résidant dans la région, mais seulement 20 % des inscrits. Pour les territoires métropolitains hors Paris, ces taux s’établissent respectivement à 40 % des résidents et 30 % seulement des inscrits.
En ne considérant que les étudiants vivant encore au domicile de leurs parents, la dispersion des zones de résidence est encore plus forte : 16 % seulement vivent à Paris, mais 40 % y étudient, tandis que 41 % habitent en dehors de la métropole.
À l’inverse, la répartition relative des lieux de résidence et des lieux d’études apparaît nettement plus équilibrée pour les étudiants vivant de manière autonome. L’enquête sur les conditions de vie des étudiants de l’Observatoire de la vie étudiante indiquait d’ailleurs pour l’Île-de-France en 2020 des temps de trajet plus courts en moyenne pour les étudiants vivant de manière autonome (47 minutes) que pour les étudiants résidant chez leurs parents (67 minutes).

Future station de métro à Saclay sur la ligne 18. Avec une ouverture prévue en 2026, elle desservira le campus Paris-Saclay.

 

ANALYSE GÉOGRAPHIQUE

 

Pour chacune des mailles habitées dans la région, on a calculé le nombre de sites d’enseignement supérieur accessibles en une heure au plus par les transports en commun et en une demi-heure au plus par la voiture. Les deux représentations cartographiques sont proposées en vis-à-vis afin de faciliter leur interprétation, en particulier la complémentarité éventuelle entre les deux principaux modes de transport utilisés par les étudiants. Elles sont également déclinées par type d’établissement, dans l’objectif d’apprécier la diversité de l’offre accessible aux jeunes depuis les différents territoires.

Les sites universitaires

Tous champs disciplinaires confondus, une bonne partie du territoire de la grande couronne est peu connectée aux sites universitaires par les transports en commun. On observe néanmoins l’effet structurant des lignes de transport ferré et des implantations universitaires situées hors métropole : universités des ex-villes nouvelles et antennes universitaires de Melun et Fontainebleau au sud-est, Meaux et Mantes-la Jolie.
L’utilisation de la voiture augmente l’accessibilité aux sites universitaires ; cependant de vastes espaces demeurent éloignés à l’est de la Seine-et-Marne, dans le sud de l’Essonne, au sud-ouest des Yvelines et au nord-est du Val-d’Oise.

 

Si l’on s’en tient aux facultés de médecine, leur accessibilité apparaît très limitée en transports en commun comme en voiture particulière. Leur concentration en cœur d’agglomération, combinée aux effets structurants des lignes de transport ferré, donne plutôt l’avantage aux transports en commun, sauf pour la faculté de médecine de l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Cependant, l’analyse doit être nuancée avec le développement des licences accès santé. L’université Paris-Est Créteil a ainsi déployé des licences « sciences pour la santé », dont une partie des enseignements est délivrée sur les sites de Melun et de Lieusaint. Le futur campus hospitalo-universitaire de Saint-Ouen devrait aussi améliorer l’accessibilité à ces études pour les résidents du Val-d’Oise.

Les études de droit apparaissent un peu plus accessibles que celles de médecine, grâce aux universités des ex-villes nouvelles et à l’antenne de l’université d’Assas à Melun. Mais du fait de l’absence de droit à l’université Gustave-Eiffel, une bonne partie de la Seine-Saint-Denis est assez mal desservie. La zone de chalandise est plus vaste pour les jeunes pouvant disposer d’une voiture, avec cependant un choix moins fourni à une distance d’une demi-heure.

Les cartes représentant l’accessibilité aux formations universitaires de sciences économiques et de gestion sont très proches de celles concernant les études de droit. La Seine-Saint-Denis apparaît un peu moins défavorisée du fait de la présence de cette discipline à l’université Gustave-Eiffel ; cependant, l’est du département demeure mal desservi.

Le maillage territorial des Instituts universitaires de technologie permet à de nombreux territoires d’y accéder assez facilement, en particulier en voiture mais également par les transports en commun pour ceux situés à proximité des voies ferrées desservant les sites de Fontainebleau, Meaux, Rambouillet ou encore Mantes-la-Jolie.
La palette de formations accessibles diffère néanmoins selon les IUT. Au total, 22 spécialités de formation sont proposées dans la région, réparties entre métiers de l’industrie ou du tertiaire.
Quelques territoires restent à l’écart de cette offre à l’est de la Seine-et-Marne, au sud de l’Essonne ainsi qu’à l’est des Yvelines dans le secteur de l’ex-ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines.

 

 

Les sections de techniciens supérieurs (STS)

Le maillage territorial des sections de techniciens supérieurs localisées principalement dans les lycées publics et privés apparaît encore plus étendu que celui des IUT, de sorte que de nombreux territoires peuvent y accéder par les transports en commun en moins d’une heure, et tout le territoire en moins d’une demi-heure en voiture, à condition d’en avoir la disponibilité.
Cette filière se compose de 84 spécialités de formation qui peuvent être regroupées en une douzaine de familles professionnelles. Les différents sites de formation ne proposent qu’une palette limitée de ces spécialités, comme on le verra sur les cartes suivantes, ce qui conduit à nuancer le niveau d’accessibilité de ces formations.

 

Par exemple, les spécialités du domaine « échanges et gestion » apparaissent bien accessibles par les transports en commun et surtout la voiture. C’est également le cas, mais dans une moindre mesure, des spécialités « communication et information », « mécanique, électricité, électronique », « spécialités pluritechnologiques de production » et « services aux personnes » (voir les cartes correspondantes dans la cartothèque ci-après).

À l’inverse, les spécialités relatives aux « matériaux souples » apparaissent peu accessibles hors du centre de l’agglomération, car seuls trois établissements les proposent à Paris, et deux autres à Nanterre et Bondy. C’est également le cas pour d’autres spécialités peu répandues comme « agriculture, pêche, forêt et espaces verts » avec sept sites de formation ou « spécialités plurivalentes des services » avec seulement deux sites de formation (voir les cartes correspondantes dans la cartothèque ci-après).

Les jeunes Parisiens ont tous accès en moins d’une heure par les transports en commun aux onze domaines de spécialités de STS, et ceux résidant sur le reste du territoire métropolitain sont 85 % à y accéder. En revanche, ce n’est le cas que de 10 % des résidents hors métropole.
Le fait de pouvoir utiliser une voiture étend considérablement le choix de différents domaines de spécialités puisque la part des jeunes résidant hors métropole qui peuvent accéder en moins de 30 minutes à tous les domaines de spécialités atteint cette fois 19 %. Cependant, ce choix apparaît plus limité aux franges de l’Île-de-France.

 

Les graphiques ci-dessus représentent la proportion de jeunes en âge d’étudier (18-25 ans au recensement de la population) qui ont accès ou non à chacun des onze domaines de spécialités de STS, faisant ressortir les formations les moins répandues et les moins accessibles comme les « spécialités plurivalentes des services » et « agriculture, pêche, forêt et espaces verts ».
Le maillage de ces formations semble satisfaisant, car seuls 3 % des jeunes Franciliens n’ont accès à aucune offre de STS à moins d’une heure par les transports en commun, tandis que la majorité d’entre eux (81 %) ont accès à au moins sept domaines de spécialités sur les onze existants.

Les classes préparatoires aux grandes écoles

Moins diffuses que les STS, les classes préparatoires aux grandes écoles dispensées dans les lycées restent plus accessibles à l’entrée dans l’enseignement supérieur que les formations universitaires. Cependant, il s’agit de formations très sélectives qui ne sont pas adaptées à tous les profils d’élèves. En outre, si la carte montre bien l’effet structurant des lignes de transport dans la desserte de ces établissements, le fait de consacrer deux heures par jour au transport vers et depuis le lieu d’études est peu compatible avec ces filières aux emplois du temps chargés et très exigeantes en travail personnel.
Plusieurs spécialités de formation caractérisent également ces classes préparatoires, réparties en trois catégories : scientifique, littéraire, économique et commerciale.

 

Les écoles de commerce

La forte concentration des écoles de commerce, dans la capitale ou à proximité, limite leur aire de chalandise au cœur de l’agglomération, en particulier dans l’est parisien où l’offre est inexistante. Elle apparaît un peu plus fournie à l’ouest avec, entre autres, l’Essec à Cergy-Pontoise et HEC dans les Yvelines. L’est de l’Essonne et le sud de la Seine-et-Marne sont également un peu mieux desservis, notamment en voiture, grâce aux deux écoles situées à Évry et à Fontainebleau.
Une bonne partie de ces écoles n'est accessible que sur concours ou dossier après deux ou trois années d’études dans le supérieur. Cependant, beaucoup d’entre elles, y compris parmi les plus prestigieuses, ont aussi développé ces dernières années des bachelors accessibles après le baccalauréat.

 

Les écoles d’ingénieurs

Par comparaison aux écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs irriguent davantage le territoire régional du fait d’une meilleure répartition géographique. Un léger tropisme s’observe néanmoins en faveur de l’ouest et du sud francilien au détriment de l’est où l’offre se limite aux deux écoles de la Cité Descartes à Champs-sur-Marne.  
Le fait de disposer d’une voiture améliore l’accessibilité à ces établissements en particulier au nord-ouest des Yvelines, dans le Val-d’Oise et les territoires seine-et-marnais proches d’Évry et Lieusaint.
Comme les écoles de commerce, une partie des écoles d’ingénieurs n'est accessible qu’après quelques années d’études ; cependant beaucoup ont également développé des cursus en trois ans accessibles après le baccalauréat.

 

Les écoles d’art et d’architecture

Bien qu’elles soient fortement concentrées à Paris, les écoles d’art et d’architecture parviennent à irriguer une bonne partie de la petite couronne, y compris à l’est, et même au-delà dans les Yvelines et le Val-d’Oise en raison du caractère structurant des écoles situées sur les campus de Cergy-Pontoise et de Saint-Quentin-en-Yvelines.
En revanche, l’offre est inexistante en Essonne dont le territoire dépend alors de Paris et des écoles situées à Versailles ; et limitée en Seine-et-Marne à l’école d’architecture de Marne-la-Vallée.

 

Les écoles de formations sanitaires et sociales

Sans être aussi répandus que les STS, les centres de formation aux métiers paramédicaux et du travail social apparaissent globalement répartis de manière homogène sur le territoire régional, les rendant assez accessibles par les transports en commun et plus encore par la voiture pour les étudiants qui peuvent en disposer. Peu de territoires ne sont pas du tout desservis.
Cependant, la nature des formations dispensées varie selon les centres qui comptent près d’une vingtaine de spécialités. Certaines d’entre elles, comme les formations d’infirmières, sont les plus représentées sur le territoire tandis que d’autres le sont beaucoup moins. Certains centres situés en grande couronne restent difficilement accessibles par les transports en commun, conduisant parfois à des trajets très longs. 

 

Synthèse de l'offre accessible

Les cartes de synthèse ci-dessus représentent la diversité des établissements accessibles selon les territoires. Elles soulignent le large choix de filières qui s’offre aux candidats à la poursuite d’études résidant en cœur d’agglomération, dans l’est des Yvelines et le sud du Val-d’Oise. Par comparaison, les choix possibles apparaissent plus limités dans l’est de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, en Seine-et-Marne et en Essonne. Dans ces deux départements, les distances sont telles que même en disposant d’une voiture, on n’accède pas à un large panel de formations.

Par les transports en commun, 100 % des Parisiens et 92 % des habitants de la métropole hors Paris accèdent à tous les types de filières en moins d’une heure, contre 35 % des Franciliens résidant hors métropole.

 

 

 

Les graphiques ci-dessus comparent l’accessibilité des jeunes Franciliens aux différentes filières de l’enseignement supérieur et à quelques grands domaines disciplinaires universitaires. Ils confirment la bonne irrigation du territoire en formations de STS et en formations paramédicales et sociales, et dans une moindre mesure en classes préparatoires aux grandes écoles et en formations de BUT. Neuf jeunes sur dix ont accès à au moins une de ces filières, mais pas forcément à la formation de leur choix puisque chacune d’entre elles en regroupe plusieurs, bien différentes les unes des autres. Cette offre de proximité peut ne pas être en phase avec les aspirations des jeunes, qui pourraient postuler dans des établissements plus lointains au prix de temps de trajet plus élevés.
Au total, deux jeunes Franciliens sur trois ont accès à toutes les filières de l’enseignement supérieur en moins d’une heure par les transports en commun, avec à la clé une formation qui pourrait leur correspondre. Seulement 5 % n’ont accès à aucune offre ou une seule filière par ce moyen de transport en moins d’une heure. Les jeunes pouvant disposer d’une voiture ne sont que 1 % à n’avoir qu’un seul choix de filière à moins de 30 minutes de leur domicile. À cette distance, les choix possibles apparaissent assez diversifiés, un peu moins cependant que pour les usagers des transports en commun, dans la limite d’une heure de trajet. Compte tenu de la charge financière que représentent des trajets quotidiens en voiture individuelle supérieurs à une heure, l’avantage relatif des transports en commun pour beaucoup de jeunes Franciliens est confirmé.

 

 

ACCESSIBILITÉ DES SITES
ET TAUX DE SCOLARISATION

 

Mettre en regard l’accessibilité aux différentes filières de l’enseignement supérieur en moins d’une heure par les transports en commun, qui sont utilisés par la grande majorité des étudiants, et les taux de scolarisation des 18-24 ans permet de mettre en évidence un impact de la distance aux équipements sur la poursuite d’études supérieures. Cependant, on voit aussi que ce lien est plus ou moins accentué selon les territoires. Ainsi les communes situées à l’ouest de la Seine-Saint-Denis, au sud du Val d’Oise ou le long des voies ferrées au nord-ouest ou au sud-est de Paris, qui offrent accès à des formations très diversifiées, ne ressortent pas avec de forts taux de scolarisation des 18-24 ans, alors que c’est le cas de nombreuses communes des Yvelines pourtant moins bien desservies.

Plus que la distance, il semble que l’origine sociale est davantage prédictive de la poursuite d’études post-baccalauréat et en particulier de longues études, y compris sur la capacité à décohabiter. Les nombreuses similitudes observées entre le niveau de vie moyen des résidents d’une part, et le taux de scolarisation moyen des 18-24 ans d’autre part, semblent bien étayer cette hypothèse.

 

 

CONCLUSION

 

De nombreuses études menées à l’échelle nationale ont souligné les différences de parcours des jeunes selon le territoire où ils ont grandi. À partir du recensement de la population de 2018, l’une d’elles montre par exemple qu’à l’âge de 18 ans, 24 % des jeunes résidant en zone rurale avaient changé de commune dans l’année, contre seulement 12 % des jeunes urbains. Parmi eux, 93 % étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Au même âge, par comparaison, les jeunes restés vivre en zone rurale étaient moins souvent inscrits dans un centre d'études supérieures (75 %). La distance aux sites d’enseignement supérieur, dont beaucoup sont concentrés dans les grandes agglomérations, aurait donc pour conséquence davantage de départs du domicile familial pour ceux qui poursuivent des études et moins de poursuite d’études pour ceux qui restent sur leur territoire. La capacité financière des jeunes à décohabiter, en revanche, demeure tributaire des ressources des étudiants et de leurs parents.

Une autre étude menée à partir de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes de 2014 montre encore que les jeunes vivant dans des communes rurales se projettent davantage dans des études courtes à bac + 3 (47 %) que les autres jeunes (33 %). On pourrait penser que ces choix résultent d’une meilleure répartition géographique des formations courtes, de ce fait plus accessibles. Toutefois les jeunes ruraux se montrent tout autant motivés par l’intérêt et les débouchés (90 %) que les jeunes urbains, la proximité étant relativement peu mentionnée (21 % des jeunes ruraux, 18 % des jeunes urbains).

En Île-de-France, les cartes réalisées dessinent une accessibilité aux sites d’enseignement supérieur de plus en plus dégradée à mesure que l’on s’éloigne de l’agglomération centrale, y compris pour la minorité de jeunes pouvant disposer d’une voiture pour se déplacer. Certains territoires apparaissent cependant mieux lotis au nord de l’Essonne, à l’est des Yvelines et au sud du Val-d’Oise. Dans la majeure partie de la Seine-et-Marne et en sud Essonne, les jeunes résidents ont moins d'opportunités. Les choix de poursuite d’études pourraient alors se restreindre aux formations les mieux réparties sur le territoire régional : celles dispensées dans les lycées, en particulier les sections de techniciens supérieurs, et de façon moins importante dans les centres de formations paramédicales et sociales. Pour accéder aux autres filières de l’enseignement supérieur, les seules options consistent soit à quitter le domicile familial, ce qui entraîne des dépenses importantes, soit à accepter des temps de trajet beaucoup plus longs, susceptibles de peser sur le bon déroulement des études.

Fondée sur le calcul des temps de trajet vers les établissements d’enseignement supérieur, cette analyse purement spatiale reste à nuancer en prenant en compte les autres facteurs influant potentiellement l’orientation, comme la sélectivité de nombreuses formations qui ne garantit donc pas leur accès dans l’établissement souhaité*. D’autres facteurs tels que l’origine sociale, notamment le niveau de diplôme des parents, le parcours scolaire, ou encore les frais d’inscription à la charge des familles pèsent aussi fortement.

Des politiques publiques sont mises en œuvre dans l’objectif d’atténuer l’inégale accessibilité des jeunes à l’enseignement supérieur. Elles portent sur l’amélioration de la desserte des territoires par les transports en commun, dont les jeunes en âge de poursuivre des études sont particulièrement dépendants. De ce point de vue, les gains d’accessibilité consécutifs à l’ouverture des nouvelles lignes du Grand Paris vont très certainement profiter à de nombreux jeunes aujourd’hui relativement éloignés de l’offre d’enseignement supérieur. Ces gains concerneront principalement les territoires de petite couronne autour des nouvelles gares, notamment en Seine-Saint-Denis, mais aussi autour des gares anciennes déjà raccordées aux lignes de RER et transiliennes le long desquelles les bénéfices vont alors se diffuser. La mise en place par la Région du réseau Vélo Île-de-France, avec rabattements sur les gares et stationnements à leurs abords, et des cars express en grande couronne, devraient aussi concourir à faciliter les déplacements en direction des pôles d’enseignement supérieur.

Une autre politique permettant d’augmenter l’accessibilité matérielle à l’enseignement supérieur consiste à augmenter le parc de résidences sociales étudiantes, auquel la Région, le Département des Yvelines, jusqu’en 2024, et la Ville de Paris apportent un complément de financement depuis de nombreuses années. Cependant, on connaît mal le profil des étudiants logés dans ces résidences. Il est probable qu’elles bénéficient en priorité à des étudiants originaires d’autres pays ou d’autres régions, qui ne peuvent pas être hébergés par leur famille proche. Malgré des loyers maîtrisés et le bénéfice d’aides au logement, le coût d’une décohabitation dans ces logements demeure élevé pour les jeunes Franciliens les moins favorisés.

D’autres dispositifs visent à encourager la poursuite d’études supérieures des jeunes les moins enclins à le faire en raison de leur éloignement physique, mais aussi de leur origine sociale et de leur bagage culturel. Au sein des collèges et des lycées, les cordées de la réussite portées par des établissements d’enseignement supérieur et financées par l’État et la Région peuvent ainsi contribuer à lever certains de ces freins. L’Île-de-France en compte plus de 140, dont certaines agissent auprès d’établissements secondaires répartis sur plusieurs académies. Les campus connectés constituent une autre solution aux difficultés d’accès à l’enseignement supérieur de certains territoires ou de certains profils de jeunes, en accueillant et encadrant des étudiants inscrits à une formation à distance. Mais leur succès reste mitigé faute de candidats d’après un récent rapport de la Cour des comptes. L’Île-de-France n’en abrite plus que deux en 2024, situés à Taverny, en partenariat avec CY Cergy Paris université, et Nemours, en partenariat avec l’université Paris-Est Créteil. Deux autres « digitales académies » fonctionnant sur un principe très similaire accueillent des étudiants à Montereau-Fault-Yonne et Aubervilliers.

 

* En 2024, sur 2 612 formations proposées sur la plateforme Parcoursup, 77 % sont sélectives et représentent 60 % des capacités d’accueil à l’entrée dans l’enseignement supérieur. En outre, parmi les formations universitaires non sélectives, certaines comme la psychologie, le droit, les sciences et techniques des activités physiques et sportives et les parcours d’accès spécifique santé, en tension, ne peuvent pas accueillir tous les candidats. L’exploitation des données détaillées extraites de la plateforme d’affectation post-bac Parcoursup permettrait de préciser la portée géographique des vœux exprimés et des propositions acceptées par les élèves de terminale selon leur origine géographique.

 

AUTEUR : Corinne de Berny, géographe urbaniste
CARTOGRAPHIE : Stéphanie Lesellier, géomaticienne

Annexes

Base de données sur les établissements d’enseignement supérieur 2023/2024 de L’Institut Paris Region

À l’origine, la base de données sur les établissements d’enseignement supérieur de L’Institut Paris Region s’est fondée sur une extraction de la « base centrale des établissements » (BCE) administrée par le ministère de l’Éducation nationale, qui a permis de géolocaliser l’ensemble des établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur selon leur nature. Ces bases ont, par la suite, été complétées par d’autres sources.

Concernant l’enseignement supérieur, un travail de regroupement à l’adresse des établissements de même catégorie a été effectué, car la BCE recense les établissements par « unité administrative » (par exemple par UFR quand il s’agit d’une université). Dans la base de l’Institut, lorsqu’à une même adresse se trouvent deux universités, ou deux écoles d’art, il n’y aura qu’un point présent dans le fichier mais dans le champ « Nom » figurera le nom des deux établissements.

Les données relatives aux étudiants inscrits dans les établissements sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, accessibles en open data depuis plusieurs années, y ont ensuite été intégrées. La mise à jour effectuée en 2018 avait également permis l’intégration des effectifs des établissements publics (2017-2018) sur la base d’éléments transmis par les services statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à la demande de l’Institut.

La mise à jour réalisée en 2023-2024 s’est enrichie de plusieurs nouvelles sources d’informations mises à disposition en open data par les services statistiques du ministère :

  • le fichier des établissements présents sur Parcoursup : tous sont désormais présents dans la base. En revanche, les établissements recrutant au niveau du bac non présents sur la plateforme ont été retirés de la base ;
  • le fichier des « Effectifs d'étudiants inscrits dans les établissements et les formations de l'enseignement supérieur - détail par établissement » et par commune en 2021-2022 diffusé en open data pour la première fois fin juillet 2023, a permis de renseigner et compléter la quasi-totalité des sites répertoriés.

Pour certains établissements privés, l’information concernant l’effectif a été trouvé sur son site internet officiel. Enfin, quand l’effectif n’est pas connu, c’est la valeur « 99999 » qui figure dans le champ « Effectif ».

Méthodes de calcul des temps d’accès

Modélisation des déplacements en voiture

Le modèle voiture particulière (VP) de L'Institut Paris Region utilise le réseau routier de la BD Topo 2017 de l’IGN.

Le calcul de la vitesse tient compte de la nature du tronçon (autoroute, nationale, bretelle, route à une chaussée, etc.) et de la densité urbaine dans laquelle il se trouve. La densité urbaine est déterminée par le découpage morphologique du territoire, établi en 2008 à L'Institut Paris Region. En fonction de leur typologie, une vitesse moyenne théorique a été établie. Sur le réseau structurant, les vitesses correspondent aux déplacements des mardi et jeudi, de 8 h à 10 h (données Mappy et Google maps).

Toutes les voies carrossables sont intégrées au modèle : sont exclues les escaliers, les pistes cyclables, les sentiers et les chemins.

Modélisation des déplacements en transports en commun

Pour les transports en commun, grâce à l’API (Application Programming Interface) Navitia (API calculateur d’Île-de-France Mobilités - Accès générique) qui regroupe les données d’IDFM (SNCF, RATP, OPTILE…) : il s’agit d’une API multimodale dont le rabattement vers le réseau de transports se fait principalement à pied. Les temps de trajet les plus courts et avec le moins de ruptures sur le trajet ont été retenus.

Calcul de la proportion de jeunes ayant accès aux différents segments de l’offre d’enseignement supérieur

Ce calcul se fonde sur les données carroyées de l’Insee (carroyage à 200 mètres) qui indiquent pour chaque carreau habité le nombre d’individus âgés de 18 à 24 ans en 2019 (données publiées en 2023).


Deux limites à cet exercice méritent d’être soulignées. En premier lieu, la proximité n’intervient qu’à la marge dans le choix de l’orientation si l’on en croit certains travaux récents. L’intérêt pour la formation et les débouchés sont davantage mis en avant par les jeunes. Une analyse des vœux formulés sur Parcoursup et des propositions acceptées en fonction du territoire d’origine permettrait de mieux appréhender ce point. En second lieu, seuls sont pris en compte les établissements d’enseignement supérieur situés en Île-de-France. Certaines formations peuvent être présentes aux marges de la région et accessibles aux jeunes résidant en zone rurale.

• Albe-Tersiguel S., Évolution de l’offre de formation et caractéristiques des candidats à la poursuite d’études supérieures : analyse des données de Parcoursup 2024, L’Institut Paris Region, juillet 2025 (à paraître).

• Assouly F., Berlioux S., Delage V. (2024), Jeunesse et mobilité : la fracture rurale, Institut Terram.

• Brutel C. (2022), « Entre ville et campagne, les parcours des enfants qui grandissent en zone rurale », Insee Première, n° 1888.

• Caro P., Checcaglini A., Lepetit A. (2021). L’accessibilité aux établissements scolaires : les injustices spatiales en cartes, un levier pour les politiques de lutte contre le décrochage ?

• Cours des comptes (2025). Rapport annuel 2025.

• Cour des comptes (2023). Universités et territoires.

• Dupray A., Vignale M. (2021). « Les bacheliers et leur territoire d’origine : des stratégies différentes à l’heure des vœux d’orientation dans le supérieur ? », La réussite scolaire, universitaire et professionnelle : conditions, contextes, innovations.

• Grelet Y., Vivent, C. (2011). La course d’orientation des jeunes ruraux. Bref du Céreq, n° 292.

• Lauricella M. (2023). Jeunesses rurales et enseignement supérieur : des choix sous contraintes. Edubref, n° 16. IFÉ-ENS de Lyon.

• Pinel L. (2020). Études, emploi, ressources : les jeunes ruraux sont-ils différents des jeunes urbains ? Drees, Études & Résultats, n° 1155.

• Pirus C. (2021). « Le parcours et les aspirations des élèves selon les territoires : des choix différenciés en milieu rural ? », Éducation & formations, n° 102.

• Tedeschi F., Bove S., Le Grand Paris Express : effets et opportunités de l’arrivée du nouveau réseau pour les territoires de grande couronne, L'Institut Paris Region, septembre 2021.

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