Un recentrage de la croissance démographique francilienne confirmé entre 2007 et 2017

Les Franciliens - Territoires et modes de vie   Sommaire

17 juin 2021ContactFrançois Michelot

L’Île-de-France a vu sa population s’accroître de 576 000 habitants entre 2007 et 2017, à un rythme proche de celui observé au niveau hexagonal. Cette croissance démographique poursuit son recentrage en petite couronne et dans les communes dynamiques voisines de la grande couronne. Dans l’hypercentre, toutefois, le développement du parc inoccupé et  la diminution de la taille moyenne des ménages concourent à des baisses de population.

Au 1er janvier 2017, l’Île-de-France compte 12 175 000 habitants, avec un poids démographique national stable, un peu au-dessus de 18 %. Entre 2007 et 2017, l’Île-de-France a gagné 57 600 habitants en moyenne chaque année, soit une augmentation comparable à celle observée sur la période 1990-2006 (+55 000 habitants). Autrement dit, chaque année depuis 1990, la population francilienne s’accroît du nombre d’habitants d’une ville comme Pantin (29e commune la plus peuplée de la région). La croissance francilienne, proche du rythme national (+0,5 % par an), résulte d’un solde naturel* largement excédentaire (cf. article « Excédent naturel : l’exception francilienne confirmée en 2020 »), grevé en partie par un solde migratoire* sensiblement négatif. Depuis 2007, l’excédent des naissances sur les décès est de +109 500 en moyenne par an et le déficit migratoire annuel de -52 000 personnes. Si à elle seule l’Île-de-France représente 60 % du solde naturel observé au niveau national sur les années 2007-2017, c’est également la région la plus déficitaire dans ses échanges migratoires avec les autres régions.

Chiffres clés

576 000

habitants supplémentaires en Île-de-France entre 2007 et 2017

340 000

Franciliens supplémentaires dans un rayon de 20 km autour de Notre-Dame entre 2007 et 2017 

134 000

logements inoccupés supplémentaires en Île-de-France en 2017 par rapport à 2007 (44 000 à Paris)

Au-delà de ces constats, il apparaît également que les dynamiques ne sont pas homogènes dans la région. Où se situent les espaces de croissance en Île-de-France ? Le cœur de la région-capitale poursuit-il sa densification ? Quelles sont les composantes des évolutions locales (solde naturel/migratoire) ? Quel est le lien avec l’évolution du parc de logements, son occupation, et l’évolution des structures familiales (taille moyenne des ménages*) ?

Une croissance démographique francilienne qui penche de plus en plus à l’est

Par le passé, les départements de la grande couronne constituaient le moteur de la croissance démographique régionale. Leur population augmentait de 60 % entre 1968 et 1990 alors que, dans le même temps de la petite couronne s’accroissait de 4 % et celle de l’Île-de-France, dans sa globalité, de 15 %. La croissance s’effectuait dans le sens centre-périphérie et concernait tous les départements de la grande couronne. Depuis les années 2000, les rythmes d’accroissement de la population de la grande couronne et de la petite couronne s’harmonisent pour atteindre +0,6 % par an sur la période 2007-2017. La grande couronne continue à gagner plus d’habitants que la petite sur cette décade (+ 311 000 contre + 271 000), son poids démographique (44 %) excédant celui de la petite couronne (38 %).

Sur la période récente, entre 2007 et 2017, la population francilienne s’est accrue de 576 000 habitants, avec des différences notables selon les départements (cf. carte). Paris voit sa population diminuer légèrement (-5 500 habitants), alors que trois départements (Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne et Essonne) concentrent à eux seuls 57 % de cette croissance démographique (et même 70 % en ne retenant que la période 2012-2017). La Seine-Saint-Denis compte désormais plus d’habitants que les Hauts-de-Seine et devient le deuxième département le plus peuplé de la région. La Seine-et-Marne, quant à elle, devient le cinquième département le plus peuplé d’Île-de-France, sa population dépassant désormais celle du Val-de-Marne.

Entre 2007 et 2017, un quart des communes franciliennes a perdu des habitants, pour un total de 72 000 habitants. Les trois autres quarts ont accueilli 648 000 habitants supplémentaires. La croissance démographique des communes est modulée, avant tout, par leur solde migratoire. En effet, si le solde naturel est positif dans plus de 9 communes sur 10, les situations au regard des échanges migratoires sont plus partagées : un peu plus de la moitié des communes (56 %) affiche un solde migratoire négatif. Les communes déficitaires sont plutôt localisées au centre : 90 % des communes situées à moins de 10 km de Notre-Dame perdent ainsi des habitants dans leurs échanges migratoires. Au-delà de 30 km, cette proportion est de 50 %.

Un tiers de la croissance démographique récente concentré dans 25 communes

Si la croissance démographique régionale est restée stable depuis quarante ans, la géographie des dynamiques démographiques a considérablement évolué au fil du temps, en écho aux politiques d’aménagement et de l’habitat poursuivies. Ainsi, la période 1970-1990 se caractérise par une dédensification du cœur de l’agglomération parisienne, qui perd des habitants, en lien avec l’augmentation de la part des logements inoccupés*, la baisse de la taille des ménages, et, surtout, le développement des villes nouvelles entre 20 et 40 km de Notre-Dame. Ces dernières jouent alors un rôle moteur dans l’accueil des nouveaux habitants de la région en canalisant la moitié de la croissance démographique francilienne contre seulement un sixième entre 1990 et 2007, puis un huitième entre 2007 et 2017. À partir de 1990, un phénomène de recentrage se produit : la moitié des habitants supplémentaires s’installe dans un rayon de 20 km autour de Notre-Dame, notamment dans des villes de grande couronne proches du centre comme Chelles en Seine-et-Marne, Athis-Mons, Massy, Palaiseau, Vigneux-sur-Seine dans l’Essonne, Argenteuil, Franconville, Garges-lès-Gonesse, et Montigny-lès-Cormeilles dans le Val-d’Oise. 

Cette croissance se concentre sur un nombre toujours plus restreint de communes. Entre 1990 et 2007, 63 communes accueillaient la moitié des nouveaux Franciliens, seulement 50 depuis 2007. Les 25 communes les plus démographiquement dynamiques rassemblent 29 % de la croissance régionale entre 1990 et 2007, mais 33 % depuis 2007. Ces communes sont surtout situées au cœur de l’agglomération (cf. graphique ci-dessous) : 17 sont en petite couronne (9 en Seine-Saint-Denis, 4 dans les Hauts-de-Seine et 4 dans le Val-de-Marne), 8 en grande couronne (3 en Seine-et-Marne, 3 dans l’Essonne et 2 dans le Val-d’Oise). Aucune commune des Yvelines n’apparaît dans ce classement.

À l’inverse, entre 2007 et 2017, huit arrondissements parisiens (1er, 4e, 6e, 7 e, 8e, 10e, 11e et 12e) ont chacun perdu en moyenne plus de 100 habitants chaque année. C’est le cas pour seulement 7 communes de grande couronne, dont 6 sont dans les Yvelines (Élancourt, Le Chesnay-Rocquencourt, Versailles, Montigny-le-Bretonneux, Voisins-le-Bretonneux) et une seule dans le Val-d’Oise (Sarcelles). Enfin, Courbevoie est la seule commune de la petite couronne à perdre plus de 100 habitants chaque année. Alors qu’elle avait affiché la plus forte croissance entre 1990 et 2007 (+19 600 habitants), Courbevoie perd plus de 3 200 habitants entre 2007 et 2017.

Des dynamiques territoriales qui se confirment malgré l’exception parisienne

Après une faible augmentation entre 1990-2007, la population de Paris connaît une accélération entre 2007 et 2012 avec une hausse de 47 600 habitants, puis un retournement entre 2012 et 2017 avec une perte de 53 100 habitants. Autour de la capitale, l’accroissement démographique se maintient, voire se renforce légèrement sur la ceinture de communes situées à moins de 20 km de Notre-Dame. La croissance démographique de la Métropole du Grand Paris (MGP) illustre parfaitement ces constats. En effet, hors Paris, la population de la MGP s’est accrue de 286 000 habitants à un rythme de 0,5 % par an entre 2007 et 2012, puis de 0,7 % par an entre 2012 et 2017. 

Les communes situées entre 30 et 40 km, de plus petite taille, conservent la plus forte croissance relative de leur population, surtout en Seine-et-Marne. Néanmoins, la croissance ralentit fortement dans les zones plus éloignées, essentiellement rurales, sur la dernière décennie, alors qu’elles avaient observé un relatif dynamisme lors de la période précédente. Ce phénomène semble s’accentuer sur les dernières années (2012-2017). 

Finalement, le centre de gravité de l’accroissement démographique régional se resserre sensiblement depuis 2007, alors même que Paris perd des habitants depuis 2012. Ce recentrage résulte surtout du dynamisme des communes situées entre 10 et 20 km : elles accueillent 31 % de la population francilienne en 2017, mais comptent pour 40 % de la croissance régionale de ces dix dernières années. 

Des logements plus nombreux, mais moins souvent occupés comme résidence principale

Le dynamisme démographique d’une population, en particulier à l’échelle locale, peut s’analyser à travers l’évolution de quatre paramètres : le nombre de logements, la proportion de logements inoccupés, la taille moyenne des ménages et le nombre de personnes vivant hors ménage*. Si l’Île-de-France a vu sa population augmenter en moyenne de 55 000 à 60 000 habitants chaque année depuis ces trois dernières décennies, l’accueil de ces habitants supplémentaires ne s’est pas fait dans les mêmes conditions sur l’ensemble de la période.

Entre 1990 et 2012, l’accroissement du parc de logements a été faible, avec 35 000 logements supplémentaires en moyenne chaque année. À taille des ménages constante, ces logements auraient pu, en théorie, accueillir 86 000 Franciliens de plus chaque année, mais la baisse de la taille des ménages a limité cette croissance annuelle à environ 55 000 personnes. Durant la décennie 2000, la part des logements inoccupés diminue et contribue à loger davantage de personnes (près de 9 000 personnes de plus par an entre 1990 et 2012). 

Dans la décennie 2010, la croissance de la population francilienne reste relativement stable, en dépit d’une reprise de la construction. Le parc de logements s’accroît de +55 000 unités chaque année, mais les effets sont limités par une nouvelle hausse des logements inoccupés (c’est-à-dire des logements non affectés à la résidence principale) et la poursuite de la baisse de la taille des ménages. 
Depuis 2007, la croissance du parc de logements aurait ainsi pu permettre de loger 97 000 Franciliens supplémentaires par an, soit 20 000 de plus chaque année qu’entre 1990 et 2007 (la croissance du parc était alors de 35 000 logements par an). Finalement, la hausse réelle de la population fut moindre (+58 000), peu différente de la période précédente (+55 000) en raison de la réduction de la taille moyenne des ménages, mais, surtout, en raison de la hausse de la part des logements non affectée aux résidences principales, limitant d’autant l’installation de nouveaux résidents.

Ces composantes de la dynamique démographique n’ont, néanmoins, pas les mêmes intensités au sein de la région, et notamment dans le cœur de la métropole. 

Le premier paramètre, la taille moyenne des ménages, limite la croissance démographique de 15 000 personnes par an, soit deux fois moins qu’au cours de la période précédente (-35 000). Le second, la baisse de la part des résidences principales, a des effets encore plus notables (-21 000). Entre 1990 et 2007, la part des logements utilisés comme résidences principales avait au contraire augmenté et permis de loger près de 14 000 personnes supplémentaires par an.

La croissance démographique de Paris : une parenthèse qui se referme

Au sein de la Métropole du Grand Paris (cf. graphique), Paris est le seul établissement public territorial (EPT) à perdre des habitants entre 2007 et 2017 (notamment depuis 2012), alors même que son parc de logements augmente (+46 600 logements) et que la taille moyenne des ménages parisiens se stabilise (1,88). Cette baisse de la population s’explique par la hausse de la part des logements inoccupés qui passe de 14,7 % en 2007 à 17,4 % en 2017. Le nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels s’est sensiblement accru (+44 000, soit +26 %). Une partie de ce parc est de plus en plus consacrée à la location touristique de courte durée par les particuliers (cf. article « Quel impact des locations saisonnières à l’année ? »). 

À proximité immédiate de Paris, l’EPT Paris Ouest La Défense enregistre aussi une hausse de la part des logements inoccupés, comme à Paris. Avec 13 000 logements supplémentaires, la population a gagné 10 500 habitants entre 2007 et 2017. Mais si le taux d’occupation des logements était resté constant, l’EPT aurait pu accueillir 24 000 habitants supplémentaires. Ce territoire voit même sa population diminuer sur la période 2012-2017, en raison d’une hausse de 7 300 logements inoccupés sur la période.

Ce phénomène est également présent, de façon atténuée, dans un rayon de 30 km autour du centre de Paris. Là aussi, il amoindrit les effets de la construction sur le dynamisme démographique. Dans les communes situées à plus de 10 km, la réduction de la taille moyenne des ménages résultant d’une part de la diminution de la fécondité observée depuis 2010 et, d’autre part, du vieillissement de la population, contribue aussi à freiner la croissance démographique. Les territoires où l’on a le plus construit de logements (Plaine Commune, Grand-Orly Seine Bièvre) restent les plus dynamiques d’un point de vue démographique.

Vers un nouvel étalement urbain ?

Les tendances démographiques observées depuis les années 1990 tendent donc à perdurer avec une densification de la population dans les zones à proximité de Paris. Cependant, les territoires extrêmement denses de l’hypercentre de la métropole (Paris, Ouest parisien) voient désormais leur population diminuer. La crise actuelle va sans aucun doute rebattre les cartes. Les Franciliens expriment de plus en plus des envies d’espace et de nature, confortés par le développement du télétravail. Dans les prochaines années, va-t-on voir l’érosion démographique du cœur de la Métropole s’amplifier et se diffuser aux zones denses de la petite couronne ? Conséquemment, un regain démographique devrait émerger au-delà de ces aires géographiques, ce qui ne sera pas sans soulever la question de l’étalement urbain, de l’artificialisation de nouvelles terres et de l’offre de transports en commun pour des habitants de plus en plus éloignés des bassins d'emploi.

François Michelot

Démographe, François a été formé à l’Institut de démographie à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et au Conservatoire national des Arts et Métiers de Paris.  Il a rejoint L’Institut Paris Region en mars 2020 après plus d’une quinzaine d’années passées dans le domaine de l’observation sanitaire et sociale, plus particulièrement sur les champs des inégalités sociales et territoriales de santé, la santé au travail et la lutte contre l’exclusion. Actuellement, il pilote et participe à la réalisation d’études démographiques (analyse spatiale et régionale des dynamiques de population, géographie sociale, inégalités territoriales). Il participe également à la gestion des données de population et à l’enquête sur les comportements des Franciliens.  

Méthode et définitions

Solde naturel, excédent naturel, accroissement naturel

Le solde naturel est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d’une période. On parle d’accroissement naturel ou d’excédent naturel lorsque le nombre de naissances est supérieur à celui des décès. 

Solde migratoire

Le solde migratoire est la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties au cours de l’année. Ce concept est indépendant de la nationalité.

Logement inoccupé

Logement vacant, résidence secondaire et le logement occasionnel, en particulier destiné à la location touristique de courte durée. 

Ménage

Un ménage, au sens du recensement de la population, désigne l'ensemble des personnes qui partagent la même résidence principale, sans qu’elles soient nécessairement unies par des liens de parenté. Un ménage peut être constitué d’une seule personne. Il y a égalité entre le nombre de ménages et le nombre de résidences principales.

Population hors ménage

Sont considérées comme vivant hors ménage : les personnes vivant dans des habitations mobiles, les bateliers, les sans-abris et les personnes vivant en communauté (foyers de travailleurs, maisons de retraite, résidences universitaires, maisons de détention, etc.).

Références

• Bahu Marlène, « La location de logements touristiques de particuliers par Internet attire toujours plus en 2017 », Insee Focus, n° 133, novembre 2018.

• Louchart Philippe, Beaufils Sandrine, « Île-de-France 2009 : 1,1 million de Franciliens de plus qu’en 1990 » dans Atlas des Franciliens, IAU Île-de-France, janvier 2013.

• Roger Sandra, « 2 175 601 habitants à Paris au 1er janvier 2018 », Note n°191, Apur, février 2021.

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